Enquête – Le double jeu de Donald Trump avec le Mexique !

Une entreprise gazière dont Donald Trump a été actionnaire, Energy Transfer Partners, vendra des milliards de mètres cube de gaz au Mexique à partir de mars 2017. Les deux projets de gazoducs par lesquels transite le gaz ont bénéficié du soutien de la Maison blanche depuis mai 2016. Par Clément Detry.

La presse mexicaine n’est pas dupe. Malgré l’adoption du projet de mur frontalier par décret présidentiel et les menaces tarifaires à l’encontre des importations mexicaines, les analystes locaux imaginent mal une renégociation substantielle – et encore moins une dénonciation – du Traité de libre-échange d’Amérique du Nord (Alena). Le Mexique, selon M. Trump, profiterait de cet accord aux dépens des Etats-Unis. Et pourtant, c’est bien en vertu de l’ALENA que président étasunien a autorisé le 24 janvier dernier la construction de deux gazoducs entre le Texas et la frontière mexicaine. »

D’après les informations révélées par Proceso, le milliardaire mexicain Carlos Slim est associé à la filiale mexicaine d’Energy Transfer Partners (“Energy transfers mexicana”) par le biais de l’entreprise Carso Energy, qui fait partie du groupe Carso, propriété de M. Slim. Slim et Trump, comme cela a été relevé par la presse internationale, se sont rencontrés en décembre dernier.

Un soutien aux gazoducs transfrontaliers discrètement accordé par Obama puis fermement confirmé par Trump.

Le gaz, qui sera acheminé et vendu au Mexique par Energy Transfer Partners à partir de mars 2017, servira à approvisionner en énergie électrique bon marché les usines étasuniennes installées du côté mexicain de la frontière entre l’Etat de Chihuahua et le Texas. Les projets de gazoduc “Trans-Peco” et “Commanche trail” bénéficient de permis présidentiels et d’un soutien financier discrètement accordés par l’administration Obama en mai 2016, juste avant que cette dernière mette un coup d’arrêt aux projets d’oléoducs contestés Keystone XL et Dakota Access.

Encouragées par le succès la mobilisation contre le pipeline Dakota Acess à Standing rock, les populations indigènes affectées par la construction se sont organisées au sein d’un camp de résistance contre le gazoduc Trans-Peco dans le comté de Presidio à l’ouest du Texas. Les militants ont multiplié les actions de « lockdown » consistant à s’enchaîner aux portions de tuyaux inachevées. Une mobilisation forte mais tardive qui a peu de chances d’empêcher une mise en service prévue pour mars 2017.

Malgré la formation d’un camp de résistance indigène similaire aux campements sioux qui ont interrompu la construction de l’oléoduc Dakota Acess à Standing Rock en janvier dernier, la construction du premier gazoduc Trans-Peco est déjà presque terminée (96%). Sa mise en service est prévu pour mars 2017. Le gazoduc Transpeco traverse les comtés texans de Brewster, Pecos et Presidio. Le projet est considéré comme national et d’utilité publique par la Maison blanche malgré le fait qu’il opère une connexion dans la commune frontalière de Presidio avec les infrastructures de la Commission mexicaine d’électricité (CFE).

La CFE bénéficie d’un budget de 16 milliards de dollars pour l’importation de gaz naturel et la construction de l’extension mexicaine du pipeline américain en vue de satisfaire la demande croissante en gaz des ménages et des entreprises. Les deux projets de gazoducs reposent sur une interconnexion des infrastructures énergétiques des deux pays, qui serait techniquement impossible sans l’existence du traité de libre-échange ALENA.

Pendant la dernière décénie, le boom du gaz et du pétrole de schiste aux Etats-Unis a coïncidé avec une contraction régulière de la production mexicaine d’hydrocarbures. En à peine deux ans, les importations de gaz naturel étasunien au Mexique ont augmenté de plus de 80%. L’objectif affiché par le gouvernement est de remplacer le pétrole et le charbon par le gaz naturel dans le mix énergétique du pays afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de contenir l’augmentation politiquement sensible des prix de l’électricité et du carburant.

Un analyste financier de la banque Citigroup récemment cité par CNBC a reconnu que « sans le Mexique, ce serait difficile [pour les producteurs américains de gaz et de pétrole de schiste] ».

CLÉMENT DETRY

Journaliste indépendant, spécialisation droits humains/Mexique

Journaliste indépendant et blogueur basé à Mexico. Collabore notamment avec le Courrier de Genève, Jacobin et Telesur. Je milite pour un renforcement et un approfondissement de la couverture médiatique du Mexique, qui ne semble pas du tout à la hauteur de la crise humanitaire et des violations de droits humains commises dans le pays. Je prête une attention particulière à la douloureuse question des disparus.

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