Point de vue – Le président AMLO envisage un référendum de “république bananière”

Le président López Obrador appelle à un référendum pour envoyer devant la justice d’anciens présidents soupçonnés de corruption. Il estime que les lois mexicaines ne sont pas assez précises pour garantir que ces crimes soient un jour jugés. Pour cet éditorialiste, le projet de consultation populaire du président est une pure manoeuvre politique. 

José Woldenberg – El Universal

Le 24 août, le président a de nouveau envisagé l’organisation d’une consultation populaire en vue de traduire en justice d’anciens présidents [Enrique Peña Nieto et Felipe Calderón] soupçonnés de corruption. Agir dans le seul but de discréditer ou de servir une propagande, c’est utiliser son pouvoir pour nuire à autrui.

Il souhaite que cette “consultation” se tienne en même temps que les élections [de mi-mandat] de l’année prochaine, et elle peut, selon lui, être organisée si elle est demandée par 2 % des citoyens, un tiers des parlementaires de l’une ou l’autre des chambres, ou le président lui-même.

Lutter contre la corruption via la justice

Selon la Constitution, la Cour suprême doit se prononcer sur la constitutionnalité de ce référendum, avant que le Congrès ne soit convoqué.

J’ai bien écrit “selon lui”, car la Constitution encadre et limite les consultations populaires, et si l’initiative peut bien en revenir aux acteurs qu’a énumérés le président, l’article 35 précise que “tout sujet induisant une restriction des droits de l’homme ne pourra pas faire l’objet d’une consultation populaire”.

Aussi, l’idée présidentielle, qui est apparemment reprise par certains parlementaires de son parti [de gauche], le Movimiento Regeneración Nacional (Morena), ne recevrait-elle certainement pas le feu vert de la Cour suprême. Mais c’est compter sans le fait que nous vivons sous le règne de la terreur, voire dans une véritable république bananière où le caprice présidentiel fait loi.

Le Mexique a besoin de combattre la corruption. Mais il doit le faire en se pliant aux principes édictés par la Constitution, par les lois et par ces piliers que doivent être les institutions bâties pour cela, à savoir le parquet et les juges.

Une initiative qui soulève bien des questions

Organiser une consultation à la manière du cirque de la Rome antique, où le “peuple” réuni décide d’un pouce levé ou baissé de la mort (ou non) du gladiateur, fait un beau spectacle hollywoodien, mais une république digne de ce nom ne peut s’y risquer sans tomber très bas.

Partons de l’hypothèse que cette consultation ait lieu. Les présidents seront-ils tous mis dans le même sac ou seront-ils jugés individuellement ? Va-t-on faire la liste de leurs crimes présumés ? Ces crimes seront-ils tous les mêmes ? Certains ne seront-ils pas prescrits ? Va-t-on accuser les anciens présidents de “néolibéralisme” comme s’il s’agissait d’un délit ? [Une allusion au modèle néolibéral appliqué au Mexique depuis 1982 et dénoncé par le président AMLO en mars dernier.]

Et si les électeurs donnent leur feu vert et que l’accusation ne trouve pas d’éléments concluants, que se passera-t-il ? Et si les électeurs refusent et que le parquet trouve des éléments qui permettraient de les mettre en examen, que se passera-t-il ?

Manoeuvre de bas étage

Nous sommes confrontés à un nouveau phénomène dont le but n’est pas de rendre la justice mais de monter une nouvelle campagne publicitaire contre les hommes politiques du passé au profit du gouvernement actuel. Il s’agit d’une initiative immorale d’un dirigeant qui, à mon avis, a parfaitement conscience de ne pas respecter la loi et de dénaturer le processus de la justice.

Une initiative qui oublie que les accusés ont des droits et les procédures judiciaires, des règles. Une manœuvre politique de bas étage qui entend accroître la popularité du président au mépris de la vie des institutions.

Nous assistons tout simplement à une volonté de paupérisation de la société et de la politique, où la vengeance fait office de justice, où l’on peut se passer des lois, où le principe du droit représente une entrave. Où, enfin, le caprice des puissants serait la seule, la véritable Constitution.

Source – José Woldenberg – El Universal

 

 

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