Le précédent quinquennat a été marqué par le «retour» de la diplomatie française en Amérique latine. Son successeur n’a pas encore montré son intention de persévérer dans cette voie, bien que la France ne manque pas d’atouts dans la région. Un dossier realisé par Anne Denis pour le compte du journal Slate.fr.
Le 29 juin dernier, Emmanuel Macron accueillait en grande pompe à l’Élysée le président colombien Juan Manuel Santos. Ils ont parlé accord de paix, climat et investissements. Le lendemain, lors d’un forum économique à Bercy, Juan Manuel Santos s’est montré lyrique sur l’harmonie franco-colombienne, se revendiquant de la «même stratégie pragmatique»que le nouveau président français, adepte comme lui d’une «troisième voie».
Quelques jours plus tard, Emmanuel Macron recevait à diner le président mexicain Enrique Peña Nieto et appelait à développer la coopération économique, politique et culturelle entre les deux pays. Fin août, devant les ambassadeurs réunis à Paris, il commentait la crise qui secoue le Venezuela, n’hésitant pas à qualifier le régime de Nicolas Maduro de dictature.
Il serait néanmoins hâtif d’en déduire un tropisme latino chez le président français. La venue de Juan Manuel Santos était d’ailleurs prévue bien avant son élection, dans le cadre de l’année de la Colombie en France. Celle du président mexicain répondait, elle, à la demande de ce dernier d’un tête-à-tête lors du G20 de Hambourg, qu’Emmanuel Macron a convertie en invitation à dîner la veille du sommet. Selon un observateur, l’objectif était d’abord de prendre ostensiblement le contrepied de Donald Trump et de ses initiatives hostiles au Mexique. Quant à la sortie sur le Venezuela, il s’agissait surtout d’un tacle à l’adresse de Jean-Luc Mélenchon et de sa fascination pour la révolution bolivarienne.
Hollande, un prédecesseur actif
Les premiers pas les plus remarqués d’Emmanuel Macron en politique étrangère ont d’ailleurs porté sur ses rencontres avec Trump, Poutine ou Angela Merkel. Et, à l’heure de la crise nord-coréenne, de la lutte contre le terrorisme islamique et de ses tentatives de refondation de l’Europe, ce n’est pas sur sa diplomatie latino-américaine qu’il est attendu.
Il a pourtant de nombreuses cartes en main s’il souhaite faire fructifier le travail effectué dans cette région lors du quinquennat précédent. Un travail qui ne se réduit pas à l’instauration en France d’une «semaine de l’Amérique latine» ou à quelques séquences médiatisées telles que la rencontre entre François Hollande et Fidel Castro.
«Depuis 2012, l’Amérique latine a été une réelle priorité politique et économique de François Hollande», estime Stéphane Witkowski, président du Conseil de gestion de l’Institut des hautes études de l’Amérique Latine.
Celui-ci évoque la douzaine de déplacements présidentiels dans la région (et le nombre équivalent de chefs d’États invités en France). Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, ou Mathias Fekl, secrétaire d‘État au commerce extérieur ont également, durant cinq ans, sillonné la zone et abondamment rencontré leurs homologue latinos.
Quelques erreurs à faire oublier
Certes, il est encore tôt pour dresser un bilan de cette politique, d’autant qu’elle a démarré par quelques faux pas diplomatiques, dont l’envoi calamiteux du ministre des outremer Victorin Lurel pour représenter la France aux obsèques du président vénézuélien Hugo Chavez en mars 2013 ou l’interdiction surréaliste faite à l’avion du président bolivien Evo Morales, de retour de Russie, de traverser l’espace aérien français (dans la crainte qu’il ne transporte aussi Edward Snowden), suscitant un véritable tollé. De quoi occulter quelque peu le voyage de Laurent Fabius en Colombie, au Panama et au Pérou en février 2013, censé lancer un nouveau partenariat avec l’Amérique latine.
L’AFD, bras financier et outil d’influence
François Hollande s’est aussi appuyé sur l’Agence française de développement (AFD). Présente depuis longtemps en Haïti, en République Dominicaine et au Surinam –dans le cadre de la coopération régionale à partir de la Guyane (région française)–, elle a ouvert trois implantations au Brésil, au Mexique et en Colombie entre 2007 et 2009. À partir de 2013, le rythme s’est accéléré avec un nouveau bureau par an: au Pérou, en Equateur, en Bolivie, à Cuba et, cette année, en Argentine.