Pendant douze jours, il a réussi à filmer le quotidien du cartel de Sinaloa, à Culiacán: laboratoires clandestins, prise d’otages, tueurs à gages, corruption…Un reportage mouvementé diffusé dans l’émission Sept à huit sur TF1 début novembre. Rencontre avec un journaliste très courageux !
Regardez l’émission complète et le vidéo en bas de page !
Comment se prépare-t-on à aller filmer le cartel de drogue de Sinaloa, l’une des plus puissantes organisations criminelles du Mexique ?
Romain Bolzinger : On s’y prend très en amont parce qu’à Culiacán (capitale de l’État de Sinaloa, dans le nord-ouest du Mexique), on ne peut rien faire sans l’aval des narcotrafiquants. Il m’a fallu cinq mois pour avoir toutes les autorisations et garanties nécessaires. Dans cette ville, le niveau de corruption est tel qu’il est très difficile de tomber sur des gens non connectés au cartel. Mais pour moi, il n’a jamais été question de passer un accord en direct avec les narcos. J’ai travaillé avec des fixeurs, chargés de me mettre en relation avec des gens connectés au cartel. La grande peur des narcos c’est de tomber sur des agents de la DEA (département antidrogue américain) déguisés en journalistes, il fallait donc les convaincre que je voulais vraiment faire un sujet sur eux.
Et ça, ça ne leur faisait pas peur ?
Ils assument le risque, c’est plus fort qu’eux : ils ont besoin de montrer qu’ils sont des cadors, qu’ils sont les patrons de la ville. Quand un habitant a un problème, ce sont eux qu’on appelle, pas la police. Je pouvais laisser ma caméra dans ma voiture, personne n’aurait osé la voler, le cartel l’interdit. À Culiacán, toutes les voitures sont ouvertes.
Tous les pans de la société sont corrompus ?
Ils contrôlent tout et tout le monde, ont des relais partout, l’agent immobilier qui leur trouve des maisons, le policier qui leur balance les opérations qui pourraient les menacer (contre une rente mensuelle équivalant à quatre fois son salaire ndlr), le prêtre qui dénonce « les mauvais chrétiens »…
Votre tournage a-t-il obéi à des règles de sécurité ?
Oui. D’abord, accepter les consignes : ne jamais savoir où ils m’emmenaient et éteindre la caméra quand ils le demandaient. Ne jamais rester plus de deux heures au même endroit, ne pas tourner après 22h car le soir, c’est enlèvements et règlements de comptes. Ne les filmer que cagoulés : si je me faisais arrêter avec des rushs montrant des narcos identifiables, mes fixeurs se faisaient buter.
Vous filmez l’un de leurs lieutenants, un gamin de 20 ans…
Ces gamins entrent au cartel à 15 ans, on leur file un flingue et un salaire dingue et ils surveillent la ville. Avec trois grammes de coke dans chaque narine, il m’a dit : « En travaillant pour eux, au moins, je suis utile. »
Vous n’avez jamais eu peur ?
Si. Pour tourner à Ciudad Juárez, à 1 500 km de Culiacán, j’ai changé de fixeur et suis tombé sur un escroc qui m’a mis dans les mains d’un autre cartel… Or il y a une règle évidente : ne pas changer de cartel en cours de tournage. Je devais rester trois jours, j’ai pris l’avion dans les deux heures.
Source – Sylvia De Abreu
REPORTAGE SINALOA À PARTIR DE : 23:19mns – Lien direct: https://youtu.be/LrWtMsTNSf0?t=1398