Lors de sa visite fin janvier à La Havane, à l’occasion du sommet de la CELAC, le président Enrique Peña Nieto semble avoir relancé le dialogue avec Cuba. Au cours de l’histoire, les liens diplomatiques entre les deux pays ont connu des hauts et des bas, entre accords commerciaux et alliance politique aux sommets internationaux, mais aussi tensions et distancement aux limites du conflit politique.
Une relation contrastée dans le temps
Les premières ententes
Le Mexique et la Cuba ont des relations diplomatiques dès 1902. Mais 1959 est une année charnière annonçant les prémices d’une amitié entre les deux nations. Lorsque s’achève la Révolution Cubaine en 1959, tous les pays de la région décident de rompre leurs liens diplomatiques avec Cuba, à l’exception du Mexique.
Les visites de présidents mexicains débutent en 1975 avec le voyage du président Luis Echeverría. Par la suite les visites s’enchaînent : José López Portillo en 1980, Miguel de la Madrid en 1986, Carlos Salinas de Gortari en 1994, Vicente Fox en 2002, et, finalement, Felipe Calderón en 2012. Mais cette fois-ci Calderón rencontre Raúl Castro, frère de Fidel, ayant pris la place de celui-ci, suite à sa décision de quitter la présidence pour raison médicale. De son côté, le président Fidel Castro s’est rendu également à six reprises au Mexique pour des visites officielles.
Fox et la rupture
L’Etat cubain s’efforce de rompre avec l’isolement en consolidant ses relations diplomatiques et économiques avec ses voisins des Caraïbes et d’Amérique du sud.
Pourtant, sous l’administration du président mexicain Vicente Fox le dialogue se durcit. En 2002, malgré la solidarité qui les lie, une crise diplomatique historique se déclenche entre les deux peuples. Dans un premier temps, le Mexique émet un vote contre Cuba à l’ONU. Puis lorsque le président mexicain se rend à la Havane pour une visite officielle en février 2002, il suscite l’indignation du régime castriste en allant rencontrer des dissidents cubains de la « Commission Cubaine en faveur des Droits de l’homme et de la Réconciliation Nationale ». Fox répond qu’il n’est pas de la responsabilité du Mexique de prendre la défense de Cuba face au blocage économique imposé par les Etats-Unis.
Les frottements s’intensifient en mars 2002, lorsque subitement le président cubain se retire de la Conférence Internationale sur le Financement pour le Développement de Monterrey. Quelques jours plus tard, Fidel Castro explique la raison de son départ impromptu, en rendant public l’enregistrement d’une conversation privée entre lui et Fox. Dans ce coup de fil le chef d’Etat mexicain demande au leader révolutionnaire d’écourter son séjour au sommet de Monterrey et de « ne pas agresser les Etats-Unis ». En mai 2004 les deux gouvernements appellent leurs ambassadeurs respectifs à se retirer pendant plusieurs mois.
L’opération « cicatrice »
Les relations bilatérales entre les pays s’apaisent véritablement lorsque Felipe Calderón prend la présidence du Mexique et que parallèlement Fidel Castro cède sa place à son frère Raúl en juillet 2006.
Néanmoins en 2009, il demeure un léger froid concernant la crise sanitaire de la grippe AH1N1 qui s’abat sur le Mexique. En effet, Raúl Castro ordonne de suspendre les vols vers et depuis le Mexique.
En avril 2012, une décennie après la visite polémique de Vicente Fox, Calderón se rend sur l’île et ne manque pas de condamner le blocage économique que les États-Unis imposent aux Cubains. Le président mexicain en profite pour réaffirmer son amitié et son respect au peuple cubain.
Cette visite est également l’occasion de signer des accords afin de relancer leur coopération économique en matière d’échanges commerciaux et d’investissements. Le chef d’état mexicain n’évoque même pas la dette de Cuba à l’égard du Mexique qui s’élève à 415 millions de dollars en 2010.
Une amitié récemment réanimée
Le 28 et 29 janvier dernier, le président Enrique Peña Nieto a visité l’île pour participer au Sommet de la Communauté des États Latino-américains et des Caraïbes (CELAC). A cette occasion, il en a profité pour avoir un entretien individuel avec son homologue cubain, Raúl Castro, dans le but de concrétiser la “reprise de la relation bilatérale”.
Enrique Peña Nieto et Raúl Castro s’étaient déjà rencontrés en janvier de l’année passée au Chili à l’occasion du Sommet de la CELAC. De plus, l’actuel chancelier mexicain, José Antonio Meade, a visité La Havane en septembre passé avec l’objectif de “augmenter les investissements” et de poursuivre le dialogue bilatéral. De la même manière, en novembre 2013, l’Etat mexicain a annoncé la signature d’une convention annulant 70 % de la dette qu’avaient les pays de l’Amérique centrale envers le Mexique (487 millions).
Durant ce dernier sommet de la CELAC, le Mexique a exempté le paiement de 340,9 millions de dollars de la dette cubaine auprès de la Banque Nationale de Commerce Extérieur (Bancomext). Cuba paiera à la banque publique mexicaine les 146,1 millions de dollars restants dans une période de 10 ans. « Nous voulons entretenir une bonne relation (…) non seulement une amitié entre les peuples mais nous pouvons aussi travailler ensemble en matière d’échanges économiques. Il était important de résoudre cette situation, qui était un obstacle pour le bon fonctionnement de nos relations bilatérales », a déclaré Luis Videgaray, Secrétaire mexicain des Finances publiques et des crédits.