Auteur – Pascal Drouhaud est un spécialiste français des relations internationales, avec une expertise reconnue de l’Amérique latine. Chercheur associé à l’Institut Choiseul, il est Président de l’Association Latfran (France-Amérique latine)
L’année 2023 pourrait-elle offrir les bases d’un nouveau départ pour l’Amérique latine ? Au sortir de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de la Covid 19, renforçant les tensions sociales dans plusieurs pays, freinant les coopérations régionales, l’Amérique latine est à la recherche d’un nouveau souffle pour marquer son retour sur la scène internationale et une nouvelle dynamique économique.
La vague d’alternances politiques se referme avec la prise de fonctions, le 1er janvier dernier, du Président Inacio Lula da SILVA (1) au Brésil. Désormais, les convergences politiques nées des changements de ces dernières années, offrent l’opportunité de redéfinir des projets communs au service de la relance économique, de la transition écologique, pour une justice sociale renforcée et en faveur de coopérations régionales rénovées. Ce sont elles qui permettront au continent de retrouver sa place sur la scène internationale.
La guerre en Ukraine, les tensions économiques et commerciales qui en résultent, la rivalité sino-américaine, obligent l’Amérique latine à décider de son destin : devenir le continent oublié et balloté au gré des crises entre les enjeux des principaux acteurs globaux ou décider de sa destinée en assumant ses responsabilités notamment au sein du G20 ou sur les questions relatives au changement climatique. Afin de parvenir à atteindre ces objectifs imposés par une réalité difficile, le continent latino-américain se doit de retrouver les bases d’une unité dans la diversité qui la caractérise.
Le moment est historique et déjà, les signes d’une prise de conscience élargie apparaissent : rétablissement des relations entre la Colombie et Venezuela, la reprise du dialogue inter-vénézuélien en vue des élections présidentielles de 2024, le retour du leadership brésilien notamment sur les questions environnementales, laissant entrevoir la reprise de la coopération entre les pays concernés par la problématique amazonienne. La question des migrants, le soutien aux entreprises, la mobilité constituent autant de sujets qui exigent d’être saisis par l’ensemble des pays concernés contribuant ainsi à la relance d’un dialogue à l’échelle de l’Amérique latine. Deux fronts émergent désormais, intimement liés à la réalité économique et sociale d’un continent dans lequel le tiers de la population vit dans la pauvreté.
54% des emplois dépendent du secteur informel, renforçant d’autant les fragilités sociales. Cet environnement socio-économique difficile a été renforcé par la crise de la Covid 19 les tensions qui ont secoué de nombreux pays depuis 2019. Les urgences nationales ont semblé effacer, pour un temps, la présence internationale du continent alors même que les tensions exacerbées par la guerre en Ukraine, obligent à se positionner tout en s’adaptant aux défis commerciaux, énergétiques, financiers et technologiques contemporains.
Cette réalité est d’autant plus paradoxale que l’Amérique latine a diversifié depuis les années 2000, ses partenaires économiques : si les Etats-Unis restent le principal investisseur, la Chine est parvenue à s’implanter dans les principales économies du continent au point d’en devenir l’un des premiers partenaires commerciaux : le Brésil, le Mexique, la Colombie, mais également le Pérou, l’Equateur, le Panama, l’Argentine sans oublier les Caraïbes, constituent autant de terrains de jeux de la puissance asiatique. De « back yard » (2) des Etats-Unis en faisant un enjeu de la relation bilatérale Est-Ouest, l’Amérique latine s’était transformée en un continent convoité dans un environnement international concurrentiel.
Dans le contexte actuel, le continent est confronté à plusieurs logiques :
- un opportunisme national, permettant à certains régimes de se relégitimer à l’instar du Venezuela et de Nicolas MADURO (3), qui est parvenu à retrouver une posture centrale dans son pays et dans la région. Au Nicaragua, Daniel Ortega contrôle les rouages institutionnels et sa posture « alternative » contribuant à des liens renforcés avec la Chine et permanents avec la Russie, le rend incontournable en Amérique centrale,
- une stratégie de retour comme l’a affirmé le Président brésilien lors de son investiture en voulant œuvrer en faveur d’un multilatéralisme qui semble pourtant, dans le contexte de guerre en Ukraine, remis en question par la logique d’alignement de nouveaux blocs antagonistes,
- une recherche de dialogue régional, à l’heure des convergences politiques : le Chili et l’Argentine, la Colombie, le Venezuela et à terme le Brésil, en incluant le Mexique qui est traditionnellement, un médiateur dans les conflits et les crises latino-américaines, illustrent cette logique.
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