Fidel et le Che: le débat sur les statues ne laisse jamais de marbre

C’est la polémique de la semaine: la maire du district de la Cuauhtémoc à Mexico a décidé de retirer du jardin de la Tabacalera la statue à la mémoire de la rencontre de Fidel Castro et d’Ernesto Che Guevara dans la capitale. Un débat qui ressurgit régulièrement au Mexique et partout où l’histoire a laissé des blessures mal cicatrisées.

Cachez ce pan d’histoire que je ne saurais honorer. La mairie de la Cuauhtémoc a Mexico a décidé d’office de déplacer la statue « Monumento encuentro ». L’oeuvre en bronze rappelle que Fidel Castro et le Che Guevara ont préparé à Mexico la révolution cubaine et l’offensive du 1er janvier 1959 contre le régime de Fulgencio Batista.

Le monument « a été installé en 2018 sans les autorisations nécessaires », a tenté de se justifier la maire d’arrondissement Alessandra Rojo de la Vega, du parti Verde. Avec un sens aigu de la provocation, l' »alcadesa » a proposé une solution pour la statue représentant les deux révolutionnaires marxistes assis sur un banc: « A tous les communistes de salon, je vous offre une chance unique: pourquoi ne pas mettre aux enchères la statue de Fidel Castro et du Che Guevara? Mais oui, ceux qui parlaient d’égalité mais vivaient comme des rois. Ceux qui parlaient de liberté mais faisaient taire à coups de fusils. Et comme vous adorez vos deux idoles, vous pouvez les emmener chez vous. Mais vous devez payer ».

« La vraie Revolution n’est pas de pierre ni de bronze: c’est la conscience transformée, la volonté collective de lutter et de construire un monde plus juste », a réagi sur X l’ambassadeur du régime communiste de Cuba au Mexique,

« Le patrimoine ne se vend pas aux enchères, c’est illégal » a ajouté la présidente, Claudia Sheinbaum, en rappelant que la décision de renverser ou déplacer une statue doit passer par un comité spécialisé. Lorsqu’elle était maire de Mexico, Claudia Sheinbaum avait demandé en 2021 le remplacement de la statue de Christophe Colomb sur le paseo de la Reforma par une sculpture honorant la mémoire des femmes indigènes.

Le mouvement contre les statues de Colomb avait commencé aux Etats-Unis et dans d’autres pays en 2020 avec le mouvement « Black Live Matters » provoqué par la mort de George Floyd, étouffé par des policiers.

En France, l’école et la rue Bugeaud à Marseille ont été rebaptisées Ahmed-Litim par le conseil municipal en 2023. Le général Thomas-Robert Bugeaud (1784-1849) a participé à la victoire d’Austerlitz (1805) et à la conquête de l’Algérie après 1830. Des historiens l’accusent d’avoir asphyxié des populations civiles enfermées dans des grottes (les « enfumades »). Ahmed-Litim est un jeune un tirailleur algérien mort en 1944 pendant les combats pour la Libération de Marseille.

En Belgique, en 2020, des collectifs ont également renversé des statues du roi Léopold II (le frère de Carlota), maître d’oeuvre de la colonisation du Congo, dont il a fait sa propriété personnelle de 1885 à 1907). Curieusement, à Kinshasa, une statue équestre de Léopold II restait toujours debout à cette époque dans un parc de la ville, face au fleuve Congo. « La statue de Léopold II, pour nous, ça reflète une histoire, une mémoire. C’est une référence pour nos enfants », avançait José Batekele, directeur de collection au musée national. « Si, en Belgique, ils estiment qu’ils doivent détruire les monuments, parce qu’il y a une forte diaspora africaine, nous en prenons acte. C’est une affaire belgo-belge qui ne nous concerne pas directement », selon l’historien Isidore Ndaywel. « Au Congo, nous avons nos priorités, qui sont autres pour le moment ».

Déboulonner les statues ou les conserver intactes, quitte à les contextualiser? « Il s’agit de voir qui veut raconter l’histoire », comme le glisse à la PrensaFrancesa un collègue journaliste mexicaine.

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