Le Mexique commémore mercredi 19 septembre l’anniversaire de deux séismes meurtriers: l’un qui a dévasté le pays l’an dernier, tuant 369 personnes, et l’autre qui a fait plus de 10.000 victimes, à la même date, en 1985. Le Mexique est le pays qui a la plus forte activité sismique sur terre.
Il y a un an, les habitants de la capitale venaient, comme chaque 19 septembre, de terminer un exercice parasismique en mémoire du tremblement de terre de 1985 qui reste un traumatisme national au Mexique, quand le sol s’est remis à trembler violemment.
Des dizaines d’immeubles transformés en montagne de béton et d’acier, des centaines de volontaires qui cherchent sans relâche le moindre souffle de vie: cette ville tentaculaire de plus de 20 millions d’habitants venait brusquement d’être projetée 32 ans en arrière.
« Je suis bouleversée, je n’arrive pas à m’arrêter de pleurer, c’est le même cauchemar qu’en 1985 », confiait Georgina Sanchez, 52 ans, sur une place de la capitale quelques minutes après le séisme.
Un an après, les traces de ce tremblement de terre, de magnitude 7,1, sont à peine visibles dans cette mégapole vibrante et cosmopolite. Mais il suffit de savoir où regarder pour les trouver.
A Tlalpan, dans le sud de la ville, par exemple, une centaine de personnes continuent de vivre dans un camp improvisé à côté de ce qui fut le l’immeuble 1C.
Son effondrement, qui avait tué neuf personnes, les a laissés à la rue.
Mais les conditions précaires du camp ont fait davantage de victimes, dénonce Hector Toledo, un des représentants: « Dix-sept de nos voisins sont morts cette année », explique cet homme de 40 ans. « Ils étaient malades, leur état s’est aggravé ».
A 15 minutes en voiture de là, les autorités ont récemment terminé de nettoyer les décombres de l’école primaire Rebsamen, où 19 enfants et sept adultes ont été tués.
Dans les quartiers branchés de Roma-Condesa, un trou béant occupe la place d’un vaste immeuble de bureaux qui a enseveli 49 personnes.
La reconstruction est encore plus lente dans les Etats pauvres du sud du pays, celui de Oaxaca et de Chiapas, frappés par un autre séisme le 7 septembre 2017, qui a fait 99 morts.
Ce trio d’anniversaire ont fait de septembre le mois qui rappelle tristement que le Mexique est le pays qui a la plus forte activité sismique sur terre.
La corruption plus meurtrière
Les autorités ont-elles tiré les leçons de ces catastrophes ? Non, répondent plusieurs chercheurs, ingénieurs et activistes.
Le séisme de 1985, d’une magnitude de 8,1 et qui a transformé la capitale en champ de ruines, était censée marquer « un avant et un après », rappelle l’écrivain et journaliste Hector de Mauleon.
Dans la foulée, la capitale avait durci ses normes de construction et mis en place une inspection obligatoire de la structure de chaque projet par un ingénieur indépendant.
Malgré tous les changements mis en place depuis 1985, 38 bâtiments se sont effondrés l’an dernier dans cette ville.
« C’est scandaleux qu’à chaque fois qu’il y a un tremblement de terre à Mexico, on dirait que c’est la première fois », résume M. de Mauleon.
L’ONG Mexicains contre la corruption et l’impunité a analysé 28 de ces immeubles: elle y a trouvé des preuves accablantes selon lesquelles, comme en 1985, la corruption des entreprises de BTP et des autorités censées les contrôler étaient responsables de leur effondrement.
« Les séismes ne tuent pas les gens. La corruption oui », tranche Salvador Camarena, un des responsables de l’ONG.
Entreprises du bâtiments qui ne respectent pas les normes, propriétaires qui ajoutent des constructions au sommets de leurs immeubles, autorités qui ferment les yeux: aucun responsable n’a fini derrière les barreaux.
Le seul ingénieur visé par un mandat d’arrêt en 1985, après l’éboulement d’un immeuble, Max Tenenbaum, n’a pas seulement échappé à la prison mais a continué à construire.
Deux autres de ses immeubles se sont effondrés lors du tremblement de terre de 2017, tuant 23 personnes, selon Mexicains contre la corruption et l’impunité.
Pourtant, M. Tenenbaum continue d’exercer, réparant les dommages provoqués par les secousses, parfois sur ses propres immeubles, a découvert l’ONG.
Pendant ce temps, Claudia Sheinbaum, qui dirigeait en 2017 le secteur où s’est effondrée l’école Rebsamen, établissement déclaré « structurellement sûr » en 2014 par les autorités, a été élue maire de Mexico.
C’est une proche du président-élu de gauche Andres Manuel Lopez Obrador, qui a gagné avec un discours anti-corruption.
S’il veut être pris au sérieux, il doit commencer par mettre fin à l’impunité, jugent les activistes.
« La justice n’a jamais été faite dans aucun des cas où des bâtiments se sont effondrés et des personnes sont mortes », souligne Thelma Gomez, de Mexicains contre la corruption.