Mario Vargas LLOSA est né, le 28 mars 1936 au Pérou, dans la ville d’Aréquipa, dans le sud de ce pays d’un million de km2, près de la Bolivie où il va passer ses premières années. Il est le premier écrivain étranger, n’ayant jamais écrit en français, tout en parlant couramment notre langue, à entrer à l’Académie française le 9 février 2023. Et quelle entrée puisqu’il succède, dans le fauteuil 18, à Michel Serres qui lui-même avait succédé à Edgard Faure !
Entretien et analyse avec Pascal Drouhaud à l’occasion de l’entrée de Mario Vargas Llosa à l’Académie française !
Mario Vargas LLosa est Prix Nobel de Littérature depuis 2010. Prix Cervantès en 1994, Prix de la Princesse des Asturies en 1986, il fait partie des 16 écrivains à rejoindre, de son vivant, la Bibliothèque de la Pléiade. Avant lui, Jean d’Ormesson, André Gide par exemple, avaient connu cette destinée.
A l’Académie française, le haïtien Dany Laferrière en 2015, l’italien Maurizio Serra en 2020 ou l’américain Julien Green en 1971, étaient avant le péruvien-espagnol Mario Vargas Llosa, entrés sous la Coupole.
Ce dernier appartient à cet âge d’or de la littérature latino-américaine contemporaine que la France aime tant : Gabriel Garcia Marquez, Carlos Fuentes, Julio Cortazar, mais également José Donosio, Miguel Angel Asturias, Luis Sepulveda sont les écrivains qui ont marqué la littérature de ce continent et ont alimenté ce lien si particulier qui unit la France à l’Amérique latine. Ils appartiennent à cette période qualifiée de « boom de la littérature latino-américaine ».
Son traducteur historique, Albert Bensoussan, le présente comme « un maître du bouillonnement romanesque » qui a « toujours recherché une forme d’universel ».
Ses œuvres comptent toutes une part d’ironie, mêlant une tonalité dramatique dans un environnement burlesque.
Lorsqu’il a été fait docteur honoris causa de l’université de Salamanque, en Espagne en Septembre 2015, il évoquait dans un discours les raisons qui l’ont amené à écrire : « Si nous nous appliquons à créer des univers de fiction qui rivalisent avec la réalité véritable, c’est, semble-t-il, parce que le monde réel, d’une certaine façon, ne nous suffit pas, incapable qu’il est de satisfaire nos appétits et nos rêves. Il y a entre celui qui écrit et le monde où il vit une certaine incompatibilité ou, disons, une défiance, une césure, un abîme qu’il tente de combler fictivement par un autre monde qui, en somme, complète et élargit la réalité objective. »
Journaliste, romancier, essayiste politique, il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages. Il écrit pendant son adolescence, « la fuite de l’inca », l’histoire d’un jeune à l’âme rebelle, qui choisit librement, d’aller à l’université San Marcos de Lima plutôt que dans la respectable université catholique, renversant une forme de déterminisme social et découvrant sa volonté de devenir un homme d’action. Mario Vargas Llosa décide de consacrer sa vie à l’écriture. Viendront de nombreuses œuvres comme La Ville et les Chiens qu’il écrit en 1963 à Paris où il vit une partie des années 1960. Ce sont ses années de jeune cadet à une école militaire qui transparaissent dans cet ouvrage. Puis viendront notamment, la Maison verte (1966), Conversation à la cathédrale (1969), Pantaleon et les visiteuses (1973).
En octobre 2010, il reçoit le prix Nobel de littérature pour « sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées des résistances, révoltes, et défaites des individus », selon le communiqué de l’Académie suédoise.
Ses modèles ne manquent pas : les Misérables de Victor Hugo vont le marquer dans son adolescence. Il consacrera d’ailleurs, à Victor Hugo un essai, La tentation de l’impossible.
Comme le rappelle souvent son traducteur Albert Bensoussan, l’utopie est toujours présente dans les œuvres de Mario Vargas Llosa : elle est « un vecteur positif » mais le romancier voit bien que ses promesses et espérances sont toujours reléguées au plus loin et à des lendemains qui tardent à se réaliser.
« L’utopie semble ne mener nulle part, mais elle draine avec elle une part de grandiose » fondée sur la croyance en la perfection humaine. Il revendique la liberté et l’exigence à la défendre à tout prix. Dans ces œuvres, Mario Vargas Llosa nous entraîne dans le monde du réel et des inégalités comme la « Lituma de Los andes (1993), Le héros discret (2013), Aux 5 rues (2016), dans cette part de déterminisme qui marque les sociétés latino-américaines.
Il plonge naturellement dans les épisodes qui ont pu marquer la vie politique du continent, comme avec la fameuse « Fête au Bouc » (2000) qui traite des derniers jours de Rafael Léonidas Trujillo, à la tête de la République dominicaine de 1930 à son assassinat, le 30 Mai 1961, quelques mis après l’arrivée de JF Kennedy à la Maison Blanche (Janvier 1961).
Dans un de ses derniers ouvrages, « L’appel de la tribu » publié en Octobre 2022 chez Folio, Mario Vargas Llosa apporte des précisions sur les éléments qui ont participé de la construction de sa pensée : il revendique l’apport de penseurs comme Adam Smith, Karl Popper, Friedrich Hayek. Il rappelle l’importance également de Raymond Aron, après Jean-Paul Sartre et Jean-Francois Revel. Comme l’explique si bien Albert Bensoussan, « s’il est difficile d’échafauder des solutions pour défendre valablement la démocratie, les droits de l’homme et la liberté, il est certain, pour Mario Vargas Llosa, qu’il faut fuir comme la peste le mythe de la tribu, le repliement sur soi, le nationalisme. (…) Dans le sillage de Camus, Mario Vagas Llosa place au plus haut l’éthique en politique ».
Pour lui, « jamais la pensée politique ne doit se séparer de la morale ». C’est pourquoi dans ses romans politiques (La fête au bouc/ Temps sauvages, Barbares chez les civilisés), Mario Vargas Llosa peut-il tour à tour, dénoncer la dictature, le totalitarisme marxiste, la super puissance nord-américaine.
Dans toutes ses œuvres, la vie et la liberté sont les deux piliers qui resurgissent et alimentent la conscience que Mario Vargas Llosa transmet.
C’est l’ensemble de cette œuvre que l’Académie française honore en recevant parmi les immortels, Mario Vargas Llosa.