Bloqué côté Etats-Unis, le Mexique se retourne vers le Brésil. Les deux pays visent un accord commercial avant la fin de l’année. Toutefois, certains analystes considèrent qu’il s’agit davantage d’un repli tactique que d’un véritable revirement historique.
Alors que les négociations en vue de renégocier l’Alena qui impliquent le Canada, les Etats-Unis et le Mexique ont débuté, mercredi, à Washington, le Mexique, qui s’est longtemps cru ancré aux Etats-Unis qui absorbent 80 % de ses exportations, tourne désormais de plus en plus son regard vers les pays du sud de l’Amérique latine. Cela passe en priorité par un rapprochement avec le Brésil, qui joue actuellement la carte de l’ouverture. Cela n’a pas toujours été le cas.
« S’il y a deux pays radicalement différents en Amérique latine et dans le monde en matière d’insertion internationale, il s’agit du Brésil et du Mexique », affirmait récemment le sociologue Pedro da Motta Veiga, du centre d’intégration et de développement (CINDES) de Rio. Les deux plus grandes économies de la région ont donc cessé de se tourner le dos. Face au Brésil, dont l’économie demeure relativement fermée, le Mexique a intérêt à diversifier ses relations commerciales et à réduire sa dépendance vis-à-vis des Etats-Unis, tout en continuant à renégocier l’Alena avec une administration Trump jugée imprévisible.
En matière de commerce, tout reste à faire, ou presque. Les échanges du Mexique avec le Brésil et l’Argentine n’ont pas atteint 10 milliards de dollars l’an dernier, alors que le commerce avec les Etats-Unis a dépassé 500 milliards de dollars. Mais les chefs des diplomaties brésilienne et mexicaine ont déclaré, fin mai, leur intention de conclure un nouvel accord commercial avant la fin de l’année. Priorité à l’industrie et aux échanges de véhicules, dont ceux de Nissan, qui sont actuellement limités par des quotas, mais aussi à l’agriculture, le Mexique ayant déjà commencé à importer du maïs brésilien. « Il y a une volonté d’avancer en ce sens », confirme-t-on à Brasilia.
Côté investissement, le mexicain Lala a récemment déboursé 1,5 milliard d’euros pour acquérir le fabricant de produits laitiers Vigor, et rejoindre au Brésil d’autres multinationales mexicaines comme Femsa (Coca Cola), Claro (America Movil), et Bimbo (pains industriels).
Mais le rapprochement va encore plus loin, notamment dans le domaine de la défense, avec des négociations en cours en vue de la vente d’avions Embraer au Mexique. « Ce rapprochement peut être attribué à la politique américaine, qui stimule la recherche de nouveaux partenaires », estime un responsable du ministère brésilien de la Défense.
Toutefois, certains analystes considèrent qu’il s’agit davantage d’un repli tactique que d’un véritable revirement historique. « Si les négociations de l’Alena tournent mal pour le Mexique, le Brésil devient alors une priorité pour lui. Mais s’ils parviennent à un accord raisonnable, le Brésil ne deviendra pas une priorité, soutient Marcus Vinicius Freitas, professeur de relations internationales à l’université Faap, à São Paulo. C’est une façon pour le Mexique d’amortir un peu le choc de sa relation complexe avec les Etats-Unis ».