On n’avait pas vu de tels chiffres depuis vingt ans. Le Mexique a officiellement enregistré 25.339 homicides en 2017, sur fond d’une vague de violences croissante liée au trafic de drogues. Cela fait de 2017 l’année la plus meurtrière depuis le début d’un tel décompte en 1997. Le rédacteur-en-chef international du JDD, François Clemenceau nous en dit plus !
Il y a des moments où les chiffres ne sont plus seulement que des chiffres. Si l’on se dit par exemple que 2017 a été l’année la plus violente au Mexique depuis 20 ans, on ne saisit pas vraiment ce que cela traduit. Mais si l’on constate que parmi les victimes du week-end dernier figurent quatre femmes et trois adolescents de 14, 15 et 16 ans on voit alors que les victimes ne sont pas uniquement que des membres des milices armées ou des cartels du narcotrafic.
Si l’on précise que parmi les 25.000 morts de l’année dernière, nombre d’entre eux sont des élus municipaux ou régionaux, des magistrats ou des journalistes, on se rend compte alors, si ce n’était déjà fait, que le Mexique est en guerre.
Avec d’un côté, une société civile et ses institutions, et de l’autre la méga-criminalité mafieuse associée à des pans entiers des forces de l’ordre et des dirigeants locaux. Si l’on établit un palmarès mondial et macabre des morts violentes, on s’aperçoit alors que le Mexique se classe deuxième, loin derrière la Syrie certes, mais deuxième.
L’échec des responsables politiques
Avec un phénomène comparable à celui qu’on observe dans les conflits qui opposent deux pays ou dans ceux qui traversent une guerre civile : ce phénomène, c’est celui du terrorisme militaire. Pour gagner en parts de marchés ou en influence territoriale, les cartes de la drogue ne doivent pas seulement faire régner l’ordre et éliminer leurs rivaux. Ils le font de la façon la plus cruelle qui soit pour marquer les esprits. Comme Daech ou les escadrons de la mort en Afrique centrale.
D’où les décapitations, le viol comme arme de guerre, les prisonniers brûlés vifs ou enterrés vivants, des massacres collectifs, des disparitions massives. Ou des exécutions spectaculaires, comme celle de ce journaliste mexicain à la veille de Noël, dans l’État de Veracruz, abattu en plein spectacle de fin d’année dans l’école primaire de son fils de six ans.
Cette cruauté est telle que la Fédération Internationale des Droits de l’homme (FIDH) a demandé à la Cour pénale internationale l’été dernier l’ouverture d’une enquête pour crimes contre l’humanité dont les responsables, selon la FIDH, sont des représentants de l’État associés au cartel Los Zetas.
Et c’est dans ce contexte que l’on vote dans six mois pour la présidentielle.
Le président Enrique Pena Neto avait promis en arrivant au pouvoir en 2012 qu’il ramènerait la paix civile, c’est un échec. Son prédécesseur aussi, Felipe Calderon, qui avait même envoyé l’armée combattre les trafiquants.
Aujourd’hui, le favori des sondages, Manuel Lopez Obrador, candidat de la gauche à la tête du Mouvement de la renaissance nationale, réfléchit à une amnistie et à un dialogue avec les chefs des cartels. Obrador explique l’on ne peut combattre le feu avec le feu. Mais les trois quarts des mexicains sont contre.