Un nouveau meurtre de journaliste a eu lieu au Mexique, a annoncé le gouvernement mexicain, vendredi 6 octobre. « Il faut vraiment une pression internationale sur le Mexique », a expliqué Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), samedi sur franceinfo.
Le reporter-photographe mexicain a été tué dans l’État de San Luis Potosi, dans le nord du pays. Cet assassinat porte à 11 le nombre de journalistes victimes de meurtre au Mexique en 2017.
franceinfo : Y a-t-il une impunité des crimes commis contre les journalistes au Mexique ?
Christophe Deloire : Le Mexique est un pays en paix, une démocratie. Cependant, c’est un pays au sein duquel, dans de nombreux États fédérés, les journalistes sont très souvent assassinés. Nous recensons malheureusement, presque tous les ans, les mêmes chiffres. Les journalistes sont assassinés, qu’ils enquêtent sur le narcotrafic ou sur la corruption. Il y a un niveau d’intimité entre les narcotrafiquants et les responsables politiques locaux qui fait que, parfois, les responsables politiques eux-mêmes n’ont pas intérêt à ce que les enquêtes soient élucidées. Pour donner une idée du niveau d’impunité, il y a un parquet spécial au Mexique. Il est chargé d’enquêter sur les atteintes aux droits de l’homme et aux journalistes. J’ai rencontré le procureur spécial à Mexico, il y a quelques mois. Je lui ai demandé combien son parquet a mené d’enquêtes jusqu’au bout. Il m’a répondu : ‘Une’. Je lui ai demandé quel était ce dossier et il était incapable de me répondre. C’est une bureaucratie des droits de l’homme qui est absolument terrifiante et un niveau d’impunité qui est un encouragement pour ceux qui commettent ce genre de forfait.
Quand le gouvernement mexicain promet une enquête rapide et efficace pour trouver le responsable, on ne peut pas s’attendre à ce que la vérité éclate ?
Le gouvernement mexicain n’a pas toujours la capacité à imposer la loi. Il y a quelques mois, un journaliste correspondant depuis 10 ans pour l’Agence France Presse a été assassiné. Le président du Mexique a pris des engagements en disant : ‘On va vraiment faire des efforts très importants pour que les mécanismes de protection des journalistes soient vraiment efficaces.’ Malheureusement, on ne voit pas grand-chose. Il faut vraiment une pression internationale sur le Mexique, une pression en matière d’image, en matière d’investissement. L’Union européenne donne beaucoup d’argent au Mexique. Il est important qu’elle fasse pression pour que le gouvernement de ce pays fasse en sorte de faire régner la loi et empêcher que ceux qui font des enquêtes très légitimement soient abattus.
Vous demandez la création d’un poste d’un représentant spécial à l’ONU sur la sécurité des journalistes. Est-ce que cela peut passer par les Nations unies ?
Le sujet de la protection des journalistes est pris en compte à très haut niveau à l’ONU. D’ailleurs Emmanuel Macron, lui-même, a demandé que soit créé un mécanisme concret d’application du droit international lors de son discours à l’Assemblée générale de l’ONU. C’est ce que demande RSF. Il est important d’avancer, car les États ne respectent pas les obligations qui leurs sont faites par le droit international. C’est le droit des populations à l’information qui est ainsi atteint.