Si la pandémie est mondiale, son impact au Mexique correspond aux propres réalités sociales, politiques et économiques du géant latino-américain. Nous vous dressons ici un état des lieux de la situation COVID -19 au 1er juin 2020.
La structure fédérale du pouvoir, les relations gouvernants-gouvernés, l’économie informelle et les caractéristiques de la présidence « AMLO » sont à prendre en compte pour comprendre et suivre l’évolution de la pandémie dans ce pays ces derniers mois.
Le Mexique comme le reste de l’Amérique Latine est d’abord resté à l’écart de la pandémie puis le premier cas positif a été confirmé le 28 février 2020.
Une « sana distancia » qui démarre le 23 mars et un retour à la « nouvelle normalité » le 01 juin
Le Mexique a été touché plus tardivement que l’Europe par l’épidémie venue de Chine. Le gouvernement d’Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) a d’abord suivi l’évolution de la situation en Europe pour prendre des mesures. Finalement, les autorités nationales ont mis en place le 23 mars dernier la distanciation sociale ou « Sana Distancia » quelques jours seulement après la France.
Le Président Andrés Manuel Lopez Obrador a souhaité s’appuyer sur la bonne volonté de la population en évitant le recours à des méthodes contraignantes. Fin mars, la quarantaine a été mise en place dans le pays en s’appuyant toujours sur la coopération volontaire de la population.
Le 21 avril 2020, la phase 3 est décrétée au Mexique ce qui correspond au stade le plus élevé pour la pandémie dans ce pays. Malgré l’application fédérale des mesures gouvernementales, plusieurs états avaient déjà mis en place leur propre plan d’action contre le Coronavirus.
L’Etat de Jalisco ou celui du Quintana Roo ont ainsi précocement établi une stricte quarantaine afin d’éviter la diffusion massive du virus. Ces deux Etats sont des cas particuliers ; le premier abrite la ville de Guadalajara qui est l’une des principales villes industrielles du Mexique, le second accueille de nombreux établissement hôteliers et touristiques.
Au Yucatan, les frontières de l’Etat ont été isolées du reste de la Fédération. Le gouvernement de l’Etat a en effet voulu éviter un empirement de la situation puisque cet état est également situé dans une zone de tourisme international important.
Le Mexique a atteint la barre des 10,000 décès officiels au 1er juin
Au 1er juin, on compte au Mexique, 93.435 cas positifs du Covid-19 et 10.167 décès relatifs au virus selon les données du Ministère de la Santé mexicain. Deux problèmes émergent cependant à l’heure actuelle : la confiance dans le décompte des autorités et la crise économique en cours.
Les critiques sont nombreuses au sujet de la fiabilité des données chiffrées et des mesures gouvernementales. En effet, le bilan initial des cas positifs du Covid-19 était jugé extrêmement bas et certains spécialistes ont remis en cause la véracité de ces données.
Un élément de réponse se trouve dans l’évaluation des décès des dernières semaines. Certains ont été considérés comme pneumonies ou autre forme de complications pulmonaires menant donc à une évaluation inférieure aux cas réels. Les chiffres concernant le taux d’occupation des lits semble très sous estimé avec un taux frisant les 100% sur la ville de Mexico en particulier.
Selon Hugo Lopez-Gatell, sous-secrétaire à la Santé et responsable de la stratégie contre le virus, le pays s’attend à un bilan beaucoup plus lourd dans les prochaines semaines. Le nombre de morts pourrait atteindre les 30 000 décès.
Le second problème est lié aux conséquences économiques du Coronavirus. En effet, le secteur informel de l’économie mexicaine est une réalité fondamentale dans le pays. Les « vendeurs à la sauvette » et les vendeurs de rue se retrouvent sans revenus du fait du confinement général, la fermeture des entreprises et de toutes les administrations.
Une proportion importante de la population mexicaine vit au jour le jour et possède peu d’épargne. C’est pour cette raison que le gouvernement mexicain a indiqué, dès le début de la crise, vouloir étaler la diffusion de la pandémie sur plusieurs mois, jusqu’en septembre-octobre. Plus la courbe restait plate et plus le taux d’occupation des lits restait bas. Une nécessité technique puisque le Mexique ne comptait que 1500 lits ventilés au début de la crise.
Cela permettait également de réduire l’intensité de la crise et d’éviter ainsi une plus forte détresse sociale voire une hausse de la violence et de la délinquance. A Puebla, on compte plusieurs cas de violences urbaines.
Néanmoins, fort est à constater pour le moment, que le climat social n’a pas atteint un stade critique. Face au risque de dégradation sociale, le président a dévoilé également la mobilisation de l’état auprès des plus pauvres et le débloquage de prêts à la parole à hauteur de 25000 Mxn (soit 1000 euros) pour les petites entreprises et commerces ! A noter cependant qu’une grande partie des programmes avaient déjà été approuvés avant l’épisode Covid-19 dans le cadre des nouvelles politiques sociales mis en place par le président AMLO depuis 2019.
« Insuffisant » répond l’opposition qui regrette que l’état ne soit pas intervenu pour sauver l’emploi et la fermeture de nombreuses PME (Pymes). On estime aujourd’hui que plus de 800 000 personnes ont perdu leur travail dans l’économie formelle et que plus d’ 1million d’employés dans le secteur du tourisme et de la restauration sont en chomage technique sans aide et souvent sans resources depuis fin avril puisque l’état avait obligé les entrepreneurs à assurer les salaires de mars et avril.
Les détracteurs de l’action gouvernementale soulignent également la légèreté apparente du président AMLO à l’égard du Coronavirus, et ce dès le début de la crise. Samedi 30 mai, des milliers de mexicains, dans plus de 70 villes du pays ont donc manifesté dans leur automobile pour partager leur désaccord à l’égard de la politique économique du gouvernement et exiger la démission du président AMLO.
Le pays semble donc se fracturer un peu plus entre les états riches rattachés à l’économie mondialisée, les états du sud fortement dépendants du soutien financier fédéral et les états de la péninsule du Yucatan dépendants du tourisme international.
Le déconfinement est en cours depuis le 18 mai
En mai 2020, le Président Andrés Manuel Lopez Obrador a ainsi annoncé le « retour à la nouvelle normalité » avec un échelonnement progressif à partir du 18 mai. Aujourd’hui 01 juin de nombreuses entreprises ont repris leur activité. Le pays est train de relancer son activité économique. « Aujourd’hui reprennent les activités de production liées à l’industrie automobile, aux mines et à l’industrie de la construction », a annoncé Andres Manuel Lopez Obrador, le président du Mexique.
Comme ses homologues occidentaux, le mandataire mexicain est tiraillé entre l’impératif sanitaire et l’enjeu économique. Il s’agit en effet d’éviter que la crise sanitaire, qu’elle soit forte ou non, se transforme en crise économique qui ait des conséquences désastreuses pour le Mexique. Cela est d’autant plus préoccupant que l’économie informelle, comme nous l’avons vu plus haut, est une donnée fondamentale dans ce pays.
Les zones les moins touchées dont les états de Zacatecas ou de Colima reprennent en premier la reprise des activités. Les zones les plus touchées comme la ville de Mexico, l’Etat de Mexico, la péninsule du Yucatan ou la Basse Californie reprendront ensuite un rythme normal de leurs activités économiques et touristiques selon une grille d’évaluation hebdomadaire qui comprend 4 feux : vert, jaune, orange, rouge en fonction du degré de gravité et de propagation du virus dans chaque état.
Dans le cas de la métropole mexicaine, la chef du gouvernement de la Ville de Mexico, Claudia Sheinbaum a dévoilé précédemment un calendrier de « retour à la nouvelle normalité » différé du modèle national dû aux contraites propres à Mexico. Il débutera timidement le 15 juin prochain…(Voir document)
De fait, l’agglomération mexicaine domine sur le reste de la Fédération par le nombre de cas positifs. Cela peut être attribué à la très nombreuse population – plus de 20 millions d’habitants- et à la densité qui caractérisent la capitale du Mexique. La ville enregistre au 01 juin plus de 2658 morts et se trouve en zone « ultra » rouge pour le moment.
Les autres régions touchées sont frontalières avec les Etats Unis mais les secteurs des mines, des transports et de la construction sont prioritaires partout y compris dans la ville de Mexico et ont repris le travail aujourd’hui 01 juin.
Une saison touristique qui risque de commencer plus tard que prévue
Ainsi globalement la plupart des états espèrent pouvoir déconfiner dans les prochains 15 ou 30 jours. Au Jalisco, Guerrero et en Basse Californie du Sud, les plages devraient s’ouvrir au tourisme à partir du 15 juin et seulement si les conditions sanitaires sont réunies. A los Cabos l’aéroport international ne devrait ouvrir qu’en juillet.
Sur les côtes de Oaxaca, 7 municipalités dont Huatulco ont décidé de reporter l’ouverture des stations balnéaires au 30 juin.
Il s’agit des municipalités de Candelaria Loxicha, Santa María Tonameca, San Miguel del Puerto, Pluma Hidalgo, Santa María Huatulco, Santo Domingo de Morelos, San Pedro Pochutla. En revanche la station balnéaire de Puerto Escondido est ouverte.
Au Quintana Roo, le gouverneur Carlos Joaquín González a annoncé aujourd’hui que les activités touristiques démarreront durant la seconde semaine du mois de juin et qu’il anticipe un taux d’occupation des hôtels à hauteur de 35% entre mi-juin et fin août. Le gouverneur a également informé les médias que le Quintana Roo avait perdu, entre le 10 mars et la 01 juin, plus de 10 millions de réservations hôtellières. C’est dire l’ampleur de la situation !
Thomas Péan – (www.laprensafrancesa.com.mx)
Article du 23 mai 2020 – Le Mexique n’a toujours pas atteint le pic de la pandémie !
Le gouvernement mexicain a déclaré vendredi qu’il maîtrisait l’épidémie de coronavirus alors que le pays devenait l’un des points chauds mondiaux de la pandémie.
Avec 62,527 cas et 6,989 décès le 22 mai soit 479 morts de plus que la veille, le Mexique ne semble pas avoir atteint le pic de la pandémie alors que le déconfinement est en cours !
Le ministère de la Santé avait prévu que l’épidémie pourrait culminer il y a deux semaines, mais le Mexique a affiché son total le plus élevé de décès et d’infections au cours des deux derniers jours, derrière les États-Unis et le Brésil pour les décès mercredi et jeudi.
« Mes grands-parents ont été admis avant-hier et ils ne nous ont donné aucune information », a expliqué Tania Gonzalez, 24 ans, alors qu’elle se tenait devant un hôpital public de Mexico. « Nous sommes inquiets. Nous ne savons pas s’ils sont morts, vivants, s’ils sont traités, dans quel état ils se trouvent. »
Sous la pression des politiciens, des officiels et du lobby des affaires à Washington, le Mexique a déjà commencé à rouvrir une partie de l’économie.
Cependant, certains politiciens et experts en santé publique craignent que cela ne soit prématuré. Au cours des sept derniers jours, le Mexique a enregistré 27% de ses 6 510 décès confirmés dus au coronavirus et 24% des 59 567 cas. Il a signalé son premier cas en février.
Vendredi, le président Andres Manuel Lopez Obrador a déclaré que le pays s’en sortait.
« L’essentiel est qu’en dépit des souffrances et des pertes en vies humaines, nous avons évité un déluge », a déclaré le président lors d’une conférence de presse. « Nous pouvons exclure cela. »
Le Mexique a jusqu’à présent évité le type d’épidémies de masse dévastatrices observées dans le nord de l’Italie ou à New York. Mais les décès et les nouvelles infections dans le deuxième pays d’Amérique latine continuent d’augmenter.
Le Mexique n’a pas lancé de régime d’essais à grande échelle ni imposé le type de verrouillage strict utilisé dans certaines parties de l’Amérique centrale voisine.
«Ce n’est pas seulement que le risque d’infection est élevé, mais ce que l’on appelle un retour à la nouvelle normale pourrait faire augmenter de façon exponentielle les nouveaux cas … conduisant à davantage de décès», a déclaré Trizia Herrera, associée au cabinet de conseil en politique publique EPLOC .
« Il semble prématuré que le président Lopez Obrador parle d’éliminer un déluge au Mexique, alors que l’épidémie continue de croître. »
Une enquête Reuters sur 18 salons funéraires et crématoriums dans la capitale a révélé que les statistiques officielles pourraient sous-estimer considérablement le véritable nombre de morts.
Le gouvernement a déclaré que le nombre réel de cas dépasse probablement les totaux confirmés, mais Lopez Obrador a rejeté les informations selon lesquelles les chiffres sont bien plus élevés.
La ville de Mexico et ses environs ont subi de plein fouet la pandémie et l’occupation des lits d’hôpitaux dans la capitale cette semaine s’est élevée à 72%, une légère baisse par rapport à la semaine dernière.
Francisco Moreno, expert en maladies infectieuses et responsable du programme COVID-19 au centre médical ABC de Mexico, a déclaré que le principal problème était la disponibilité de ventilateurs et de personnel médical formé pour les utiliser.
Mercredi, 64% des lits équipés de ventilateurs étaient occupés, selon les dernières données.
Article du 7 mai 2020 – Covid#19 – Le Mexique au pic de la pandémie ?
Le Mexique atteint ces jours-ci le pic de la pandémie de coronavirus sans pour autant, à ce stade, avoir amené l’hécatombe pressentie dans un pays où l’infrastructure sanitaire reste faible.
Le pays se situe au deuxième rang en Amérique latine en nombre de décès après le Brésil, avec 2.704 décès mercredi, et plus de 27634 personnes contaminées.
Et même si le gouvernement mexicain reconnaît lui-même que ces nombres ne sont pas exhaustifs, il estime que le virus va faire environ 6.000 morts au Mexique, soit beaucoup moins qu’aux Etats-Unis limitrophes ou certains pays d’Europe.
Il y a certes plusieurs hôpitaux saturés dans les régions les plus touchées, mais rien n’indique à ce stade que le taux de mortalité général au Mexique a augmenté particulièrement depuis le début de l’urgence sanitaire.
Avec une population de plus de 120 millions d’habitants, le taux de mortalité dû au Covid-19 est de 1,8 pour 100 000 habitants, selon les calculs de l’Université américaine Johns Hopkins, en dessous des 9,18 en Equateur, 4,2 au Pérou ou 3,52 du Brésil.
La grande majorité des cas se concentre dans cinq villes: Tijuana, Culiacán, Cancún, Villahermosa et surtout dans l’immense zone métropolitaine de la vallée du Mexique qui abrite la capitale.
« Les unités de soins intensifs sont saturées et notre capacité à fournir des respirateurs limitée », explique à l’AFP Justino Regalado, directeur adjoint du service de pneumologie à l’Institut national des maladies respiratoires (INER), l’un des plus prestigieux du pays.
Sur les 56 hôpitaux en fonctionnement dans la région métropolitaine, la plus densément peuplée du pays avec 22 millions d’habitants, 25 n’ont plus de lits d’urgence ni de respirateurs disponibles, selon les médias locaux.
L’État de Mexico, où se trouve la zone métropolitaine de la capitale, totalise 11.352 personnes contaminées et 771 décédées. Une région telle que Durango (nord), le quatrième plus grand État du pays, compte 80 cas confirmés et huit décès.
« L’émpidémie ralentit »
Dans ce contexte, le sous-secrétaire à la Santé, Hugo López-Gatell, a désigné le 8 mai comme date de pointe du nombre de personnes infectées, selon les villes comptant le plus de cas.
Le responsable a assuré mardi que les mesures d’isolement et de suspension des activités non essentielles, en vigueur depuis le 23 mars, avaient réduit le taux de contamination.
Les cas doublent désormais tous les six jours et non plus tous les deux jours comme au début de l’épidémie.
« L’épidémie ralentit. Nous avons aplati la courbe », a assuré López-Gatell.
L’Organisation panaméricaine de la Santé a cependant mis en garde sur le fait que plusieurs pays de la région, dont le Mexique, voient leur nombre de contamination doubler tous les quatre jours.
Le Dr Regalado prévient que la phase « plateau » arrivera plus tard, avec un nombre élevé et constant de nouveaux patients. « Cela pourrait prendre quelques semaines, peut-être un peu plus longtemps, pour commencer à baisser lentement », prévoit le médecin.
Deux semaines de plus
Des responsables médicaux estiment que le confinement ne prendra pas fin le 01 juin comme l’a fait entendre le gouvernement, mais pourrait durer deux semaines de plus.
Le président Andrés Manuel López Obrador a pourtant déjà prévu de réactiver des secteurs économiques clés tels que la construction, les mines et l’industrie automobile, à partir de la mi-mai, « si les autorités sanitaires nous le permettent ».
« Bien qu’il y ait moins de cas, il y aura toujours un nombre considérable de personnes malades et il sera impossible de relancer l’économie », a prévenu le Dr Rodrigo Jácome, chercheur à la faculté des Sciences de l’Université nationale autonome de Mexico.
Les perspectives économiques du Mexique restent sombres avec un PIB chutant de 7,1 % cette année, selon une récente enquête de la banque centrale. Ce qui expliquerait l’empressement apparent d’AMLO.
Le président de gauche a déçu les marchés pour son refus d’appliquer des mesures appropriées à la situation d’urgence sanitaire. Bien qu’il ait annoncé des prêts bon marché et une aide financière directe, ces encouragements sont légers par rapport à ce qui a été proposé aux États-Unis, au Chili ou au Pérou.
La violence criminelle, autre problème majeur au Mexique, n’a pas non plus connu de trêve.
Même durant le confinement,le mois de mars a été le plus violent à ce jour durant le mandat du gouvernement de López Obrador, avec 3.000 meurtres et 78 féminicides.
Malgré ces signaux alarmants, la popularité de López Obrador est d’environ 50 %, selon plusieurs enquêtes.
Un sondage du journal local El Financiero a même indiqué un regain de popularité en avril par rapport à mars, en raison de sa gestion de la crise sanitaire.
Sources – Agences