L’analyse des sédiments du lac de Chichancanab, dans la péninsule du Yucatán au sud-est du Mexique, mettrait au jour une succession de sécheresses qui pourrait être responsable de la chute de l’Empire maya.
Selon une étude de chercheurs anglais et américains, dirigée par Nicholas Evans de l’université de Cambridge (Angleterre) et publiée dans Science , l’analyse des sédiments du lac de Chichancanab, dans la péninsule du Yucatán au sud-est du Mexique, mettrait au jour une succession de sécheresses qui pourrait être responsable de la chute de l’Empire maya.
Les chercheurs estiment que les précipitations annuelles entre l’an 700 et l’an 1000 ont diminué de moitié en moyenne. Elles ont même chuté de 70% pendant au moins trois grandes périodes de sécheresse. Une première peu après l’an 600, une deuxième qui a duré une centaine d’années entre 750 et 850. La troisième aurait eu lieu à la fin du premier millénaire, entre 950 et 1050. Cette dernière concorde avec le début de l’optimum climatique médiéval. Une période exceptionnellement chaude sur l’Atlantique Nord, qui a notamment permis aux Vikings de s’établir au Groenland.
Pour Chloé Andrieu, chargée de recherche au CNRS en archéologie des Amériques, les résultats sont tout à fait crédibles mais la conclusion est trop hâtive. «Il y a plusieurs points qui me gênent dans cette publication», explique-t-elle. «Elle n’apporte pas assez d’éléments sur la chronologie et, en ne se basant que sur un seul lac, elle occulte tout le reste du territoire, sachant que l’Empire maya était plus grand que la France!»
«Ce n’est pas la première étude qui met en avant cette théorie», appuie Stéphen Rostain, directeur de recherche au laboratoire Archéologie des Amériques du CNRS à la Sorbonne. «Mais je ne pense pas qu’on puisse résumer à un épisode de sécheresse l’écroulement d’une civilisation aussi puissante que l’était l’Empire maya.»
Un règne long de plusieurs millénaires
Les Mayas ont régné sur une partie de l’Amérique centrale pendant plusieurs milliers d’années, de 2600 avant J.-C. jusqu’à l’arrivée des Occidentaux à la fin de XVe siècle. Un peu à la manière de la civilisation égyptienne, elle a connu plusieurs périodes. Au vu de l’étendue de son territoire dans une zone tropicale, il est fort probable que les climats y aient été très diversifiés. «Rien ne dit que la sécheresse qu’a connu le nord du Yucatán était aussi sévère à une centaine de kilomètres plus au sud,» explique Chloé Andrieu. «L’information donnée par ce lac est trop localisée pour s’étendre à tout l’Empire.»
Il est indéniable que l’an 1000 marque une rupture entre la période classique et la période postclassique. «Tout le système politique des royautés sacrées s’écroule à cette époque», raconte Cholé Andrieu. «La civilisation maya était organisée en petits royaumes indépendants mais liés les uns autres. À partir du VIIIe siècle, l’Empire connaît une grave crise politique. Les cités se font de plus en plus la guerre entre elles, et à partir de 830, on voit même disparaître toute trace d’écriture.»
La sécheresse ne peut expliquer à elle seule la fin de cette civilisation
Les raisons de cet effondrement semblent donc multiples et les indices annonciateurs bien antérieurs. Les populations avaient commencé à déserter les anciens sites, dès le VIIIe siècle. «C’est évident que cette sécheresse a eu des effets terribles», ajoute Stéphen Rostain. «Mais elle ne peut expliquer à elle seule la fin de cette civilisation. D’autant que les peuples amérindiens étaient beaucoup moins sensibles au changement climatique que nous pouvons l’être. Ils s’adaptaient aux aléas du climat car ils avaient un rapport à la terre beaucoup plus direct.»
Les populations amérindiennes ont régulièrement déplacé leur lieu de vie. Aux alentours de l’an 1000, les Mayas sont passés de techniques architecturales qui laissaient beaucoup de traces à des constructions plus périssables. Rajoutant donc au mystère de leur disparition. «Il reste un vrai point d’interrogation sur cette période, c’est quels ont été les mouvements démographiques», interroge Chloé. Andrieu «Les populations ont-elles disparu ou bien ont-elles migré? La question se pose d’autant plus que la période postclassique voit la montée en puissance d’une civilisation basée dans le nord du Yucatán. À l’endroit même où se situe ce lac. Si la sécheresse a bien eu lieu, elle n’a pas empêché la civilisation de renaître.»
Quand la base d’un Empire est fragilisée, il suffit d’une pichenette pour le faire tomber. À Rome cette pichenette a été donnée par les invasions barbares. Au Mexique de l’an 1000, la sécheresse aura peut-être été l’élément qui a fait s’écrouler tout l’édifice, mais le travail était déjà bien entamé.
Source – http://www.lefigaro.fr/sciences/