Au Québec aussi Florence Cassez a son Comité de Soutien !

Le Grand Journal a interviewé David Bertet, co-fondateur du Comité Québécois de Soutien à Florence Cassez.  Pour lui, défendre la cause de la française emprisonnée au Mexique depuis plus de quatre ans s’inscrit dans une dénonciation  plus large  des errements de la justice mexicaine.

Pour comprendre l’affaire Cassez rendez vous sur France Inter: Florence Cassez, la prisonnière du Mexique avec Eric Dussart. Grand reporter à La Voix du Nord, il a rencontré à de nombreuses reprises Florence Cassez lors de son incarcération. Il l’a accompagnée dans l’écriture de deux livres.

 

David, peux-tu te présenter?

Je suis professeur de philosophie à Montréal et de temps en temps je vais animer un émission sur Radio Centre ville. C’est un programme orienté sur les arts mais on y discute aussi de certains faits d’actualité. C’est là que j’ai rencontré celle qui est maintenant ma collaboratrice,  Sylvie Harvey.

Qu’est ce qui t’a amené à t’intéresser au cas de Florence Cassez?

Parmi mes préoccupations philosophiques il y a la thématique des abus contre les individus dans les régimes démocratiques. Je me suis intéressé à l’affaire Cassez après avoir croisé Jean-Luc Romero (président du Comité français de soutien à Florence Cassez, ndlr) à Mexico au cours de la conférence mondiale sur le VIH en 2008  où je travaillais comme journaliste. Nous avons par la suite entretenu une correspondance par internet.

J’ai commencé à m’informer sur le cas de Florence et j’étais au début -comme beaucoup de gens!- convaincu de sa culpabilité.

Mais j’ai un certains sentiment de défiance vis-à-vis de la simplicité, et dans cette affaire il y a avait quelque chose qui me gênait:  le fait qu’elle soit présentée   comme aussi simplement monstrueuse…

J’ai donc souhaité m’informer davantage sur le sujet, et après avoir acquis la conviction qu’elle n’était pas coupable j’ai pensé à la manière dont je pourrais éventuellement m’impliquer pour sa cause.  Je me suis dis qu’il y aurait peut-être quelque chose à faire du Québec pour donner un autre son de cloche sur cette affaire…

Tu connais bien le Mexique ?

Culturellement je suis tombé amoureux de ce pays. Ici à Montréal il y a énormément de mexicains, c’est une communauté très active culturellement au Québec. Ce pays m’attire énormément… J’y suis allé quasiment tout les ans depuis 5 ans, au départ en vacances mais j’ai toujours le désir de m’y installer un jour pour travailler.

Quel a été le processus qui a mené à la création du Comité Québécois de Soutien à Florence?

Jean-Luc Romero, avec qui je  parlais souvent du cas de Florence, voulait internationaliser le comité de soutien. L’Amérique du Nord -et le Québec en particulier- était un point d’implantation très intéressant. Mais je ne savais pas tellement comment m’y prendre pour lancer tout ça!

Et puis une suite de rencontres a fait que les choses se sont concrétisées rapidement . Nous avons été très chanceux.

Je suis allé à Radio Centre Ville où je connaissais un animateur. C’est là que j’ai fait la rencontre de Sylvie Harvey, qui est violoniste à l’Orchestre Métropolitain de Montréal. Ensuite Sylvie à rencontré Luc Mervil, un chanteur québécois qui nous a permis d’entrer en contact avec Ingrid Betancourt.

Puis enfin j’ai eu Florence au téléphone après avoir sollicité ses parents. Nous avons fait une interview en septembre 2009. Elle a eu tout le temps de développer les sujets dont elle souhaitait parler sans être pressée par le temps.

Elle était en confiance car nous avions eu de nombreux entretiens téléphoniques auparavant. C’est après cette intervention qu’est né réellement le Comité de Soutien.

Le cas Cassez est-il médiatisé au Québec ?

Ça a demandé beaucoup de travail… des semaines et des mois de  sensibilisation sans avoir d’écho dans la presse. On commence tout juste à en avoir avec la sortie du livre et nous devrions bientôt intervenir dans des émissions de télévision.

Mais de la part des Québécois nous avons  trouvé un sentiment unanime de solidarité et d’ouverture. Nous n’avons jamais eu affaire à des personnes qui nous diraient  “si Florence a été arrêtée c’est bien qu’elle doit être un peu coupable”.

Nous avons également pu approcher de nombreux artistes et leur réactions est presque toujours marquée par la compassion et l’empathie.

Quels sont les artistes qui se sont manifestés en faveur de Cassez ?

C’est assez varié: il y a le chanteur lyrique Marc HervieuxLuck Mervil (qui nous a ouvert la porte à une rencontre avec Ingrid Betancourt). Il y a aussi Julie Snyder, qui présentait une émission en France il y a quelques années, Lynda Lemay, ainsi que d’autres chanteurs plus ou moins connus.

Ce que nous faisons à chaque fois c’est prendre une photo de ces personnes avec un portrait de Florence, pour montrer que le soutien ne vient pas que de la France mais du monde entier (voir album photo). Nous voulons montrer qu’il ne s’agit pas simplement d’un litige entre la France et le Mexique, mais bien d’un cas d’injustice commis au Mexique en violation de la loi mexicaine.

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Vous essayez également de sensibiliser le milieu politique au cas Cassez?

Oui, même si l’on travaille sur cet aspect depuis moins longtemps… Ça a pris du temps car nous avions plus de contacts dans le monde de la culture. Mais nous pensons que le Québec, en temps que province du Canada doit se prononcer sur cette affaire.

Très récemment nous avons reçu le soutien d’Amir Khadir, député québécois très engagé dans les causes sociales.

Au niveau politique il est important de réagir…  Il y a quelques temps ce sont quatre québécois et un canadien qui ont été arrêtés à Puerta Vallarta dans des conditions totalement arbitraires. Le cas Cassez pourrait donc se reproduire avec des personnes d’autres nationalités. Deux Québécois sont maintenant rentrés au pays, mais il reste trois personnes détenues là-bas pour des chefs d’accusations absolument absurdes et qui auraient apparemment subi la torture.

Vous travaillez en étroite collaboration avec le Comité français ?

Oui, le contact avec Franck Berton, les parents de Florence et Jean-Luc Romero est constant. C’est une belle collaboration, mais dans ce contexte très compliqué l’un de nos mandats est également de diffuser de l’information au Mexique sans qu’elle soit automatiquement écartée parce que française.

Es-tu régulièrement en contact avec Florence ?

Nous nous appelons quasiment tous les jours même si à certaines périodes ce n’est pas possible. Il faut savoir que les appels vers le Canada sont moins chers que ceux vers la France, ce qui facilite les choses.

Il y a un véritable  lien d’amitié qui s’est tissé au cours de ces conversations. Lorsque je lui ai rendu visite au début du mois de janvier l’impression a été très étrange, car c’était comme si nous nous connaissions déjà très bien sans nous avoir rencontré auparavant!

Florence garde-t-elle le moral ?

C’est variable… En ce moment elle a un sentiment de devoir accompli. La parution de son livre est une grande satisfaction. Ce qui est assez nouveau c’est le sentiment chez elle d’avoir un rôle à jouer au Mexique. Elle est en train de faire sens avec toute cette absurdité qui lui est tombée dessus.

A présent elle se sent solidaire des mexicains et fait une claire distinction entre les personnes qui manipulent l’opinion et le reste de la population.

Effectivement, en écoutant les dernières allocutions de Florence on voit qu’elle s’adresse directement aux  mexicains et leur dit “Servez-vous de mon cas pour dénoncer les injustices”

Oui, c’est assez nouveau. Il faut comprendre que dans sa situation ça prend beaucoup de temps pour arriver à créer un sens; faire de cette expérience extrêmement douloureuse quelque chose de positif. A présent elle dit clairement qu’elle n’est pas la seule et à pris conscience  qu’elle a un devoir vis-à-vis des autres victimes d’injustices au Mexique.

Cela fait de Florence une personnalité symbolique. Je suis persuadé que le cas de Florence aura une très grande résonance dans l’histoire mexicaine. C’est quelque chose que l’on peut rapprocher de l’Affaire Dreyfus: on y  retrouve une même  incitation au nationalisme  et une déformation de l’information par la presse.

Florence est en train de revêtir un rôle dont elle n’avait pas conscience auparavant. Elle sait qu’elle a cette possibilité de s’exprimer au nom de toutes les personnes emprisonnées qui n’ont pas les moyens d’interpeler les médias. Elle a pris conscience qu’elle se mesure à un système mais ne parle pas pour elle toute seule.

David, pourquoi un tel engagement?

Une action pour défendre Florence une action pour défendre les droits du peuple mexicain… C’est extrêmement grave que des individus très très bien placés aient pu faire croire à toute une population qu’ils avaient trouvé une coupable.

Je trouve magnifique que les mexicains commencent à prendre conscience qu’ils ont été trompés. Ils sont finalement  en train de voir Florence comme une alliée, et non comme une ennemie.

Écoutez:

Anne Vigna, co-auteur du livre “Peine Mexicaines” sur Radio Centre-Ville

Interview de Florence sur Radio Centre-Ville le 2 Mars 2010

Contact:

comite_florence_cassez_montreal@live.com

Propos recueillis par Nicolas Quirion -(legrandjournal.com.mx)

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