Descendant de républicains espagnols, l’écrivain Antonio Ortuño est l’une des jeunes voix les plus tranchantes de la littérature mexicaine. L’exil face au danger de mort, dans l’Espagne d’alors et le Mexique aujourd’hui, est au cœur de son nouveau roman, « Méjico ».
L’exil sied bien à Antonio Ortuño. Installé à Berlin depuis juillet, dans le cadre d’une résidence d’écriture d’un an, le romancier mexicain goûte, en famille, la tranquillité que lui offre la capitale allemande. « Je ne suis plus obligé d’accompagner mes filles de 16 et 13 ans partout où elles veulent aller. Elles peuvent sortir dans la rue comme elles en ont envie ».
La violence liée aux cartels de la drogue, qui gangrène le Mexique, a gagné, il y a quelques années, la placide ville de Guadalajara, dans l’ouest du pays, où l’écrivain, l’une des jeunes voix les plus vibrantes et grinçantes d’Amérique latine, vit depuis sa naissance, en 1976.
Outre des conditions matérielles idéales pour travailler, ce séjour en Europe permet à cet auteur prolifique (six romans, dont trois traduits en français, quatre recueils de nouvelles) d’échapper pour quelques mois au chaos qui règne dans cette ville.
Le pitch
Guadalajara, Mexique, 1997. Omar, orphelin d’origine espagnole, doit fuir le pays après que sa maîtresse et le mari de celle-ci se sont entre-tués. L’homme de main d’un syndicat de cheminots, le tenant pour responsable du double homicide, est à ses trousses.
Madrid, années 1920. Les jeunes Yago et Maria, les futurs grands-parents d’Omar, tombent amoureux. Républicains convaincus, ils doivent s’exiler en Amérique latine, pourchassés à la fois par les franquistes et par les communistes, tandis que leurs proches font le choix des armes.
Dans ce nouveau livre, qui tient autant du roman noir que du roman d’aventures, Antonio Ortuño entremêle ces deux récits et dresse un parallèle entre deux chutes : celle du Mexique contemporain, en proie à une violence qui semble tout dévaster sur son passage, et celle de l’éphémère République espagnole, qui ne survivra pas à la guerre civile.
Oscillant d’une époque à l’autre, Ortuño s’interroge sans détours sur ce qu’il faut de courage et de compromissions pour survivre dans un contexte d’hostilité extrême. Il est également habile à explorer les conséquences du déracinement, sur les descendants d’immigrés, deux générations plus tard.
Il livre avec Méjico un roman percutant sur l’identité d’un homme tiraillé entre sa nostalgie des origines et sa volonté de faire table rase d’un passé trop encombrant.
« Méjico », d’Antonio Ortuño, traduit de l’espagnol (Mexique) par Marta Martinez Valls, Christian Bourgois, 256 p., 18 €.