Le ministre mexicain des Affaires étrangères a qualifié mardi de « cruelle et inhumaine » la séparation des familles de migrants aux Etats-Unis. Mais pourquoi les enfants sont-ils séparés de leurs parents à la frontière mexicaine ? Explications…
Le Mexique a condamné mardi la politique de séparation de familles de migrants qui entrent clandestinement aux Etats-Unis, découlant de la politique de « tolérance zéro » face à l’immigration illégale de Donald Trump. « Je veux au nom du gouvernement et du peuple mexicain exprimer la plus catégorique et énergique condamnation de cette politique cruelle et inhumaine », a déclaré le ministre mexicain des Affaires étrangères Luis Videgaray en conférence de presse.
« Nous lançons un appel au gouvernement américain, au plus haut niveau, pour qu’il reconsidère cette politique et donne priorité au bien-être et aux droits des petits garçons et petites filles, indépendamment de leur nationalité et de leur situation migratoire » a souligné le ministre avant d’ajouter: « Nous ne pouvons pas rester indifférent ».
Donald Trump reste ferme
Plus de 2.300 enfants et jeunes migrants ont été séparés en cinq semaines de leurs parents accusés d’avoir franchi illégalement la frontière des Etats-Unis, selon des chiffres actualisés lundi par l’administration Trump qui montrent une accélération de cette pratique.
Malgré le tollé provoqué par cette pratique, le président Donald Trump revendique sa fermeté extrême aux frontières au nom de la « tolérance zéro », affirmant qu’il ne laissera pas les Etats-Unis devenir « un camp pour migrants ».
Mardi, le président a une nouvelle fois défendu sa politique, jugée « inadmissible » et « cruelle » par l’ONU lundi. Donald Trump a affirmé que la séparation des familles est la seule option possible pour lutter efficacement contre l’immigration clandestine. « Je ne veux pas que les enfants soient séparés de leurs parents », a-t-il assuré, avant de poursuivre: « Lorsque vous inculpez des parents pour entrée illégale dans le pays, ce qui doit être fait, vous devez séparer les enfants ».
Etats-Unis : pourquoi les enfants de migrants sont séparés de leurs parents à la frontière mexicaine.
Depuis quelques jours, la polémique des enfants séparés de leurs parents clandestins, à la frontière avec le Mexique, enfle aux Etats-Unis. Donald Trump assume et rejette la faute sur les démocrates.
Donald Trump ne veut pas que les Etats-Unis deviennent un « camp pour migrants », ni un « centre de rétention pour réfugiés ». Le président américain revendique sa fermeté, alors que la polémique enfle sur le sort de ces enfants séparés de leurs parents clandestins, qui viennent de traverser la frontière. Depuis l’annonce de la politique américaine de « tolérance zéro » début mai, 2.342 enfants et jeunes migrants ont été séparés de leurs familles du 5 mai au 9 juin, soit une moyenne de plus de 66 par jour, selon les nouveaux chiffres officiels de l’administration Trump.
La « tolérance zéro » voulue par Donald Trump
C’est la conséquence de la « tolérance zéro » souhaitée par Donald Trump. Le 7 mai dernier, le ministre américain de la Justice, Jeff Sessions, avait averti que les enfants entrant illégalement aux Etats-Unis pouvaient être séparés de leurs proches.
« Nous ne voulons pas séparer les familles, mais nous ne voulons pas que des familles viennent illégalement à la frontière […]. Si vous faites passer un enfant, nous vous poursuivrons. Et cet enfant sera séparé de vous, comme requis par la loi », avait-il alors déclaré.
La mesure vise notamment les ressortissants des pays d’Amérique centrale qui déposent des demandes d’asile en raison d’une « peur crédible » pour leur vie. La plupart des candidats viennent du Guatemala, du Salvador et du Honduras, trois pays gangrénés par la violence des groupes criminels. L’immigration illégale reste élevée à la frontière avec le Mexique : de mars à mai, plus de 50.000 personnes ont été appréhendées chaque mois. Environ 15% de ces clandestins arrivent en famille et 8% sont des mineurs non-accompagnés.
Pour l’administration Trump, l’équation est désormais simple : tous les clandestins surpris du côté américain de la frontière sont donc désormais systématiquement poursuivis au pénal pour « entrée illégale », avant même de pouvoir déposer une demande d’asile, et placés en prison. Une possibilité offerte par une loi existante baptisée « Immigration and Naturalization Act ». Or, quand des adultes sont détenus dans le système pénitentiaire pour des délits pénaux, leurs enfants ne peuvent pas les suivre en prison : ils sont donc confiés à l’Office de relocalisation des réfugiés (ORR), qui dépend du ministère de la Santé et des services sociaux.
Avant, cette loi existait mais n’était pas ou peu appliquée
La loi était déjà en vigueur sous l’administration de son prédécesseur Barack Obama, mais rarement appliquée. Selon l’éditorialiste du Washington Post Greg Sargent, « le changement n’est pas qu’une nouvelle règle a provoqué la séparation des familles (mais que) l’administration inculpe délibérément plus de familles en sachant parfaitement que plus d’enfants seront séparés de leurs parents ».
Les précédents gouvernements privilégiaient au contraire l’engagement de poursuites au civil à l’encontre des clandestins passibles d’expulsion. Ces poursuites permettent de détenir durant un temps les étrangers dans des centres de rétention administrative, en famille, ou de trouver des voies alternatives à la détention, en attendant l’examen au tribunal de leur demande d’asile.
Dans quelles conditions sont détenus les enfants?
Ce sont ces images d’enfants détenus dans de grands centres de rétention près de la frontière avec le Mexique qui ont renforcé la polémique. « J’ai vu des tonnes d’enfants massés ensemble dans de grands enclos grillagés », a témoigné un sénateur démocrate, Chris Van Hollen, après avoir visité un centre dimanche au Texas. D’autres élus ont visité lundi des établissements en Californie, la cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, dénonçant ensuite « une politique inhumaine et barbare ».
« Je ne veux pas qu’ils arrêtent mon père, je ne veux pas qu’ils l’expulsent », dit une voix féminine déchirée tandis que des pleurs et cris d’enfants résonnent, sur un enregistrement, qui daterait de la semaine dernière dans l’un de ces centres, diffusé lundi par le site d’investigation ProPublica.
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a vivement dénoncé lundi une politique « inadmissible » et « cruelle », appelant les Etats-Unis à la « stopper immédiatement ». « Ce n’est rien de moins que de la torture », a renchéri Erika Guevara-Rosas de l’ONG Amnesty International, justifiant ses mots en soulignant « la sévère souffrance mentale infligée intentionnellement sur ces familles » pour « en décourager d’autres d’essayer d’entrer aux Etats-Unis ».
Les enfants « sont bien traités » et les rumeurs de mauvais traitements « sont fausses », leur a répondu la ministre de la Sécurité intérieure, Kirstjen Nielsen.
L’argument de la dissuasion… et du mur avec le Mexique
Plusieurs hauts responsables de la Maison-Blanche affichent clairement l’argument de la dissuasion des candidats à l’immigration illégale. « Nous ne pouvons pas et n’allons pas encourager les gens à amener des enfants en leur donnant une vaste immunité face à nos lois », a encore déclaré lundi le ministre de la Justice, Jeff Sessions.
Donald Trump rejette la faute sur ses opposants démocrates, qui ont laissé faire durant des années et ne souhaitent aujourd’hui pas voter sa loi sur l’immigration. « Mettez la pression sur les démocrates pour mettre fin à la loi horrible séparant les enfants de leurs parents quand ils ont passé la frontière », a-t-il tweeté la semaine dernière, enchaînant les messages sur ce thème.
Donald Trump lie la fin de cette mesure au financement d’un mur à la frontière mexicaine pour stopper les clandestins. « Si nous construisons le mur, si nous passons une loi pour mettre un terme au non-droit, nous n’aurons plus à faire face à ces choix terribles », a argumenté Jeff Sessions.
L’idée que la Maison-Blanche utilise ces enfants pour faire avancer le débat sur l’immigration indigne jusque dans les rangs républicains. « Certains dans l’administration ont décidé que cette politique cruelle renforçait leur pouvoir d’influence » au Congrès, a souligné sur Facebook un sénateur républicain, Ben Sasse. « C’est inacceptable. Les Américains ne prennent pas les enfants en otage. Point. »
Plusieurs personnalités, dont l’ancien président Bill Clinton et les ex-Premières dames Laura Bush et Michelle Obama, ont également réagi.
Source – www.lejdd.fr