C’est un amoureux du Mexique que Le Grand Journal a rencontré à Tonalá (Jalisco), capitale mexicaine de l’artisanat. Serge Corbay, créateur et président de la société « Côté Hacienda » recevait une reconnaissance de la ville pour ses 40 ans de “loyaux services” en tant qu’exportateur N°1 vers la France. Portrait et interview.
L’aventure de Serge commence le jour de son voyage de noces. Il prend deux billets d’avion avec son épouse Danielle pour rejoindre sa sœur qui se mariait à Mexico. Les trois semaines de vacances prévues se prolongent en trois mois… et finalement sa sœur quitte le pays sans son mari tandis que Serge, lui, épouse le Mexique pour toute la vie!
Il travaillait à l’Express avec Jean-Jacques Servan-Schreiber qui ne l’attendra pas et décide d’ouvrir sa première société à Villahermosa. Il exporte alors de la toile denim de Parra (du mot de Nîmes) et devient également le représentant pendant 10 ans du groupe Vitro de Monterrey pour la France.
S’ensuit pendant 40 ans l’exportation en grandes quantités de carrelages de Dolores, de fibres du Zacatecas, d’artisanat du Jalisco et meubles divers du Michoacan ou bien du Veracruz.
A Paris, son hangar près de la Bastille “Côté Hacienda” fait fureur dans les années 80-90 et devient petit à petit la référence sur le marché français des arts et artisanats du Mexique. Les grandes chaines de magasins lui demandent des expositions régulières et il fait continuellement l’aller retour entre la France et le Mexique à la recherche de produits anciens et nouveaux qu’il sait adapter au goût du jour et aux nécessités des français.
Aujourd’hui c’est son fils Nicolas qui a repris les rênes de cette affaire familiale, apportant un certain renouvellement et des technologies modernes mises au service de la promotion et de la vente de milliers de références mexicaines. Le site de vente en ligne mundoshop est aujourd’hui à son tour devenu une référence et un outil de travail incontournable au service des artisans et des importateurs.
Interview d’un grand passionné et connaisseur du Mexique.
Le Grand Journal – Bonjour Serge et toutes nos félicitations ! Quels sont tes meilleurs souvenirs en tant qu’acheteur d’artisanat au Mexique ?
Serge Corbay – Bonjour. Certainement une promenade à cheval sur une selle en bois, sur 30 km de chemins jusqu’au village d’Ameyaltepec (au bord du rio Basa dans l’état du Guerrero) et l’arrivée dans un village surgit du passé, enfants et femmes se baignant nus dans la rivière… avec une nuée d’enfants autour de moi, qui apparemment n’avaient jamais vu de blonds aux yeux bleus, tout le monde parlait une langue étrange (le nahuatl), la foule m’accompagnait jusqu’à la seule personne parlant l’espagnol, qui était le maire.
Puis 3 mois d’allers et venues pour récolter chaque semaine des trésors, des poteries de couleur cannelle dont de magnifiques muñecas (poupées) au regard étrange, les yeux dans le pro-fol des oreilles, le visage faisant penser aux étrusques (je l’ai appris par la suite grâce à de jeunes chercheurs américains qui faisaient une étude sur l’origine de cette poterie).
Chaque semaine je venais au village où les habitants m’attendaient réunis en cercle autour de l’école ou était entreposée la production hebdomadaire… je me suis vraiment régalé! Les tractations autour des prix étaient singulières, des offres de jeunes filles par les parents contre des cochons ou des moutons (le nombre variant en fonction de critères qui n’étaient pas forcement en relation avec les miens…) mais j’ai retenu qu’à l’époque une jolie jeune fille se négociait à partir de 10 cochons !
Et puis, au bout d’un mois, l’horrible chemin qui menait au village s’est retrouvé défoncé et remplacé par une belle route goudronnée qui, ne voulant pas faire de détour, avait été construite sur deux ou trois petites pyramides… Tous les villageois alentours creusaient, fouillaient et chaque maison possédait son musée (grandes urnes pleines de statuettes etc). J’ai dû souvent me raisonner afin de ne pas faire moi même un petit prélèvement!!
L’exposition mexicaine que j’avais réalisé cette année là sur 220 magasins de la chaine Prisunic se révéla un très beau succès, car les acheteurs m’avaient laissé pratiquement carte blanche (pas du tout prêts à retourner dans les endroits extrêmes ou je les avais baladé la première fois. Ils n’aimaient pas l’iguane cuit, la viande séchée et les petites bêtes rouge que l’on mange crues en soulevant les pierres de la région (je ne me souvient plus du nom!)
LGJ – Est-il nécessaire de protéger les artisans et comment?
SC – Je pense que “Fonart” fait beaucoup pour la protection des meilleurs artisans au niveau de l’art populaire, notamment dans l’organisation de concours, d’expositions, de magasins dédiés dont certains en Europe. Cette protection n’est pas évidente car beaucoup de la production en art populaire ne me semble vendable qu’au Mexique, compte tenu de la spécificité des œuvres aux racines mexicaines non compréhensibles a l’étranger.
Seul l’artisan sachant dépasser l’ethnique et rejoindre une vision plus universelle peut, à mon avis, prétendre à vendre ses produits au delà des frontières, car il sait alors utiliser le langage du plus grand nombre. La protection possible est surtout d’aider l’artisan à adapter sa production aux nécessités du marché moderne, ses formes, son utilisation, etc.
LGJ – Quelles sont les évolutions que tu as remarqué sur le marché depuis 40 ans au Mexique?
SC – En 40 années le marché a effectivement beaucoup évolué. Au départ les gens ne voyageaient pas autant et il était beaucoup plus facile de vendre les produits de l’artisanat que les gens découvraient. Puis, au fil des années tout s’est ouvert, l’avion s’est démocratisé, les produits du bout du monde sont arrivés sur les étals de plus en plus facilement et plus personne ne s’est étonné de trouver à sa porte des objets rares et inusuels. La concurrence s’est accrue et tout s’est banalisé!
Cette situation a fait évoluer l’artisanat mexicain de manière profonde, celui-ci modifiant son travail de plus en plus en fonction du tourisme et de la demande étrangère. Peu à peu ont disparu des fabrications ancestrales telles que par exemple les produits d’usage utilitaire, remplacés par le plastique.
Un fossé existe maintenant entre une frange de plus en plus restreinte d’artisans traditionnels doués et respectueux de la tradition et la masse d’artisans subsistant en adaptant leurs fabrications a la demande actuelle, beaucoup de merveilles ont irrémédiablement disparues, mais de nouveaux artistes naissent et créent différemment; plus adaptés a leur époque. Il y a eu un changement notable cependant dans leur dénomination: hier artisans, aujourd’hui artistes!
LGJ- Comment envisages-tu ton avenir professionnel et celui des producteurs et exportateurs mexicains?
SC – Les importations de décorations, meubles et artisanat mexicain en France sont au plus mal! La Chine, la crise, la mode ont laminé les exportations, les producteurs sont figés sur le marché américain et ne se sont jamais réellement intéressés au marché européen, trop compliqué, trop difficile… trop lointain. La crise américaine permet une prise de conscience des producteurs mexicains qui voient leur principal client défaillant !
Cette situation est donc aussi une opportunité ! L’avenir est au partenariat entre entreprises, entre la connaissance de l’offre et celle de la demande, des réseaux permettant a la fois de:
1/réunir de meilleurs fournisseurs intéressés à exporter en Europe, disponibles afin d’adapter leurs produits au marché européen (et pas seulement au marché américain qui est très diffèrent).
2/accepter d’emballer leurs produits tels que le marché européen l’exige (plus de fibres de papier journal, d’emballages en vrac), matériaux modernes, codes barre, palettisation des cartons, etc…
3/consolider les expéditions par containers en mixant des fabricants aux produits volumineux avec des fabricants aux produits lourds, ainsi que produits chers et produits bon marché, ceci afin d’obtenir des couts de fret inférieurs de plus de moitié…
4/donner l’opportunité d’offrir dans nos containers des emplacements de transport de fret ouverts à d’autres importateurs afin d’accélérer nos rotations de containers et d’arriver ainsi a un minimum d’expéditions hebdomadaires (voir mundoshop/fret)
5/redonner confiance aux importateurs européens en offrant une expérience et un suivi sérieux des commandes grâce a l’équipe franco-mexicaine que nous sommes en train de terminer de constituer (la réussite dépend de la parfaite connaissance des mentalités, des possibilités et des goûts des deux pays)
C’est dans cet esprit que je salue les nouveaux membres de l’équipe mundoshop. Coté français: Pascale, Olivier, Benoit, qui tous ont cette précieuse expérience et l’amour du Mexique!
Il y a bien un avenir pour les producteurs mexicains en Europe, mais, je le pense sincèrement, bien loin de l’image traditionnelle de l’artisanat mexicain: sombrero, maracas et souvenirs a touristes!!
Place aux entreprises qui gardent leur savoir faire artisanal, mais au service du consommateur moderne. Le bel art populaire restera réservé aux esthètes avertis achetant chez fonart!! Le souvenir aux touristes transitant à Mexico et faisant un petit tour au marché de la ciudadella!
LGJ – Quelle signification a pour toi cette reconnaissance de la ville de Tonala, capitale mexicaine des artisanats?
SC – Il y a 40 ans lors de mon premier voyage a Tonalá, il y avait plus d’ânes et de chevaux que de voitures, les sombreros existaient encore et les rues y étaient aussi défoncées.. Durant toutes ces années, j’ai pu voir cette ville pratiquement décupler, mais l’âme est restée la même et les routes aussi ! C’est pourquoi cette reconnaissance est pour moi importante parce qu’elle signifie le signe d’un lien profond avec le Mexique et ses habitants, que l’on pourrait peut être appeler l’aventure d’une vie…
Interview réalisée par Alain Figadere – (www.legrandjournal.com.mx)
Infos
http://www.mundoshop.org/es/
Bienvenue sur la première place de marché éco-responsable et de commerce à la fois équitable pour le fournisseur et pour le client. Avec Mundoshop.org accédez aux produits fabriqués à l’autre bout du monde en temps réel et sans intermédiaire inutile. Vous souhaitez devenir revendeur, sourcez au Mexique? vous souhaitez exporter vos produits et profiter de leur expérience ? Contactez Serge ou Nicolas Corbay...