« Nous n’allons protéger personne »: la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum et le parti de gauche au pouvoir Morena ont promis de respecter l’indépendance de la justice dans l’affaire d’un ex-responsable de Sécurité du Tabasco poursuivi pour complicité avec le crime organisé. Un dossier judiciaire sensible qui touche un proche de l’ex-président, dans un contexte de pression des Etats-Unis sur le Mexique pour lutter contre le crime organisé.
Claudia Sheinbaum et Luisa Alcalde sont à l’unisson: la justice pourra enquêter en toute indépendance dans l’affaire de l’ex-secrétaire de Sécurité publique de l’Etat du Tabaso. En fuite à l’étranger, Hernán Bermúdez Requena fait l’objet d’un mandat d’arrêt et d’une notice rouge d’Interpol (demande d’arrestation provisoire) pour ses liens présumés avec le crime organisé. « Nous n’allons protéger personne », a promis la présidente Sheinbaum tout en mettant en garde contre le « lynchage médiatique » de l’ex-gouverneur du Tabasco, Adan Augusto Lopez Hernandez. « Dans notre mouvement, il n’y a pas de complicité », a ajouté la présidente du Mouvement pour la régénération nationale (Morena), Luisa Alcalde.
Entre décembre 2019 et août 2021, M. Bermudez Requena a été en charge de la Sécurité du Tabasco dans le gouvernement d’Adan Augusto Lopez, gouverneur de l’Etat puis secrétaire fédéral de Gobernacion (ministre de l’Intérieur, 2021-2023), candidat à l’investiture présidentielle pour Morena en 2023, sénateur et proche de l’ex-président Andres Manuel Lopez Obrador.
En fuite depuis janvier d’après les autorités mexicaines, M. Bermudez Requena fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis pour association de malfaiteurs, extorsion et enlèvement, a indiqué le secrétaire fédéral de la Sécurité, Omar García Harfuch.
M. Bermudez Requena est soupçonné de complicité présumée avec la Barredora, un groupe criminel impliqué dans le vol de combustibles dans le port de Dos Bocas (Tabasco), et qui aurait proposé le carburant volé aux responsables de la construction du Train Maya, d’aprés l’ONG Mexicanos contra la corrupcion y la impunidad.
https://contralacorrupcion.mx/la-barredora-hizo-negocios-con-el-tren-maya/
Pourquoi l’affaire ne sort que maintenant sur la place publique ? Plus surprenant encore: pourquoi est-ce la grande Muette, qui a décidé de rompre le silence? C’est en effet un général, Miguel Angel Lopez Martinez, chef de la 30e zone militaire (Tabasco), qui a parlé le 11 juillet sur une antenne de Radio Formula: Requena a quitté le pays via Mérida vers le Panama le 14 février, sans mandat d’arrêt à son encontre à l’époque. L’armée mexicaine avait des informations sur les liens de Requena avec le crime organisé. Des informations non traitées, qui ne pouvaient pas être partagées avec l’exécutif.
Deux hypothèses, d’après l’éditorialiste Ricardo Raphael dans Milenio: le commandement militaire aurait agi sans l’autorisation de son autorité suprême, la présidente de la République, ce qui serait « alarmant ». Ou bien c’est la présidence qui a demandé au général de parler. Dans ce cas « Sheinbaum a pris la décision de rompre non seulement avec Adan Lopez » mais aussi avec Lopez Obrador. « Lopez Obrador n’a rien à voir avec le Tabasco depuis qu’il est devenu président du PRD en 1997 », tempère un bon connaisseur de Morena consulté par la Prensa Francesa.
« Il semblerait que cela ne soit pas une coïncidence que cette affaire survienne alors que depuis la Maison Blanche, Donald Trump accuse le gouvernement mexicain de ne pas défier avec assez de force les vrais leaders du crime organisé dans notre pays », ajoute le « columnista » de Milenio. Sous la pression de Donald Trump et de ses chantages aux tarifs douaniers, l’administration Sheinbaum a multiplié les signes de bonne volonté dans la lutte contre le crime organisé envers Washington, dont la remise de 29 narco-trafiquants présumés de haut niveau, en dehors des processus habituels d’extradition, il y a quelques mois. « Le gouvernement mexicain n’a pas à donner de garanties à Washington mais aux Mexicains », contre-attaque la source de Morena.