Quel bilan du mandat d’Enrique Peña Nieto peut-on tirer dès aujourd’hui, à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle au Mexique, qui se tiendra le 1er juillet 2018 ? Le journaliste d’investigation LUIS ALBERTO REYGADA pose la question et met en avant des éléments de réponse !
Près d’un an avant la fin de son mandat et avec un bilan clairement accablant, ce qui peut surprendre, c’est que le président Enrique Peña Nieto échappe aussi facilement aux critiques de la « communauté internationale ».
S’il est vrai que la réforme du secteur énergétique – mettant fin au monopole d’État en permettant les investissements privés étrangers – lui a d’abord attiré la sympathie de la grande presse économique et des gouvernements liés aux multinationales du secteur, les répercussions positives promises tardent à se faire sentir pour la population.
Les derniers chiffres de la Commission économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (Cepalc) indiquent d’ailleurs que la pauvreté a augmenté ces dernières années, passant de 51,6% de la population en 2012 à 53,2% en 2014, soit l’équivalent de plus de 63 millions de Mexicains.
De plus, les inégalités se renforcent : alors que le PIB augmente (moyenne annuelle de 2,1%), les salaires ne suivent pas au bas de la pyramide (baisse de 3,5% des revenus des ménages entre 2012 et 2014) tandis les fortunes s’envolent à son sommet. La croissance reste concentrée dans la partie supérieure de la distribution des revenus et l’organisation Oxfam attire l’attention sur le fait que la fortune des 4 premiers milliardaires mexicains représente 9,5% du PIB en 2015 contre 2% en 2002.
Le panorama s’est assombri au fil du sexennat, au point que l’ancien ministre des Affaires étrangères Jorge Castañeda en est venu à déclarer au Financial Times que le pays a basculé du « moment mexicain » au « désastre mexicain ».
Ces dernières années sont aussi marquées par les scandales d’enrichissement illicite. Alors qu’ils avaient été présentés par Peña Nieto comme des modèles de la relève générationnelle du « nouveau Parti révolutionnaire institutionnel, PRI », plusieurs gouverneurs ont été impliqués dans des affaires de détournement de fonds publics.
Javier Duarte n’a pas pu terminer son mandat à la tête de l’État de Veracruz suite à une mise en examen ; il sera finalement arrêté au Guatemala (avril 2017). Ayant aussi tenté d’échapper à l’action de la justice, l’ancien gouverneur de Quintana Roo Roberto Borge s’est fait interpeller au Panama ; il était sur le point de sauter dans un avion à destination de Paris (juin 2017). Quant à César Duarte, l’ancien cacique de Chihuahua, il reste à ce jour introuvable et est actuellement recherché par Interpol.
Au plus haut sommet du gouvernement, le bon exemple n’a pas été à l’ordre du jour. Le président a dû lui-même demander des excuses à la télévision après l’énorme indignation causée par « l’achat » par sa femme d’une luxueuse maison – estimée à près de 7 millions de dollars – construite par une entreprise ayant bénéficié d’importants contrats publics. En matière de corruption, le New York Times n’hésite plus à décrire un « niveau d’audace qui n’avait encore jamais été vu » auparavant dans le pays.
Des forfaitures qui ne surprennent plus les Mexicains, mais qui attisent néanmoins les tensions dans un climat de malaise social généralisé non exempt de risques d’explosion. C’est ce qu’a démontré la vague de pillages de ce début d’année, déclenchée suite à l’augmentation soudaine du prix de l’essence (+20,1 %), conséquence de la réforme énergétique évoquée plus haut. Résultat : plus de mille magasins dévalisés, 1500 arrestations, 5 morts.
Malgré tout cela, le pire échec du retour du PRI au pouvoir aura été son incapacité à résoudre un autre problème, qui reste la principale préoccupation de la société : la violence.
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