À Guadalajara, toute la ville s’est réunie pour voir sur écran géant le triomphe de l’enfant du pays à Hollywood, avec au programme chants, mariachis et statuette de deux mètres de haut. Une certitude, le Mexique met encore les Oscars à genoux !
Des fans et des amis d’enfance du réalisateur mexicain Guillermo del Toro ont fêté au son des mariachis son triomphe dimanche aux Oscars et promené une réplique géante de la statuette dans sa ville natale de Guadalajara.
A 53 ans, le cinéaste a été couronné par quatre Oscars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur pour son film « La Forme de l’eau ».
« Ole, ole ole ole! Toro, Toro! » chantait une petite foule devant la fontaine Glorieta de la Minerva, au centre de la ville, en soulevant une réplique de la statuette dorée mesurant près de deux mètres de haut. Des voitures circulaient en faisant flotter des drapeaux mexicains, à grands coups de klaxon.
Lors d’un événement organisé dans un centre commercial huppé, où la cérémonie d’Hollywood était retransmise sur grand écran, des mariachis coiffés de leurs caractéristiques chapeaux à larges bords jouaient pour les invités.
« C’est un monstre du cinéma », se réjouissait Cesar Cosio, DJ et ami d’enfance cinéaste connu pour ses monstres, vampires et super-héros, avec lequel il a grandi dans le même quartier. « C’est vraiment mérité ».
Del Toro a quitté le Mexique après l’enlèvement de son père en 1998, quand le réalisateur commençait à être connu à Hollywood. La terrible épreuve avait pris fin grâce à son ami James Cameron, qui l’avait aidé à rassembler la rançon d’un million de dollars en liquide.
Depuis, Del Toro a fait venir toute sa famille aux Etats-Unis. Aujourd’hui il partage son temps entre Los Angeles et Toronto.
Point de vue – Le Mexique met encore les Oscars à genoux !
La fable fantastique de Guillermo del Toro et le film des studios Pixar confirment l’engouement d’Hollywood pour la culture et les artistes mexicains. Par PHILIPPE GUEDJ
Une certitude : après le sacre d’Alfonso Cuarón en 2014 (sept oscars pour Gravity) et celui d’Alejandro González Iñárritu en 2015 (pour Birdman, quatre oscars) et 2016 (The Revenant, trois statuettes), Guillermo del Toro confirme avec ses deux compatriotes (et proches amis) que le cœur d’Hollywood bat toujours pour le Mexique.
Comme Birdman, La Forme de l’eau renouvelle l’exploit de remporter l’oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur. Également primée pour sa bande originale (signée Alexandre Desplat, cocorico !) et ses décors, la fable rétro-humaniste de Guillermo del Toro le consacre définitivement aux yeux de la profession.
L’amoureux des monstres et de toutes les formes de cinéma fantastique avait déjà été nommé à deux reprises en 2007, pour Le Labyrinthe de Pan (meilleur film étranger et meilleur scénario original) : cette fois, c’est le jackpot.
Avec Iñárritu et Cuarón, del Toro incarne un savoir-faire technique bluffant et une incontestable aptitude à injecter une âme dans des blockbusters hollywoodiens. Porté par son éloge de la différence et son appel à la désobéissance civile, La Forme de l’eau a fait battre le cœur des votants, et del Toro, sur scène, a rappelé la dimension politique implicite de son film : « Je suis un immigré.
La plus belle chose que font notre art et notre industrie est d’effacer les lignes dans le sable. Nous devons continuer à le faire alors que le monde insiste pour les tracer plus profondément. » La réussite d’un réalisateur mexicain aux États-Unis revêt cette année une portée plus sensible encore, dans un pays particulièrement divisé par l’administration Trump et son projet d’ériger un mur anti-migrants à la frontière entre les deux États.
Par PHILIPPE GUEDJ, critique cinéma au journal le point.
Lire notre article sur la cérémonie des Oscars ICI