Le gouvernement a remis au Congrès un texte appelé « Paquet économique » dans le jargon politique mexicain, dans lequel l’exécutif formule ses prévisions économiques pour l’année à venir de même que son projet de budget.
Du côté des législateurs, quelques modifications sont envisagées en matière de dépenses de santé, d’infrastructures et de lutte contre le changement climatique. Ces derniers ont jusqu’au 15 novembre pour adopter une loi de finances définitive pour l’année 2020.
Du point de vue du ministre de l’Economie et des Finances, Arturo Herrera, l’équilibre budgétaire reste une priorité. Nombre d’analystes, tout en saluant cette posture, mettent en garde le gouvernement contre une vision économique trop optimiste et soulignent qu’une politique d’austérité excessive peut peser sur une croissance déjà en berne.
Ce qui rassure : pas de surprises !
En présentant un projet de budget équilibré entre dépenses et recettes, le gouvernement a évité une confrontation avec les marchés financiers et les agences de notation. « On peut au moins écarter l’émergence de déséquilibres budgétaires à court terme, c’est la bonne nouvelle que nous voyons », explique depuis Mexico le directeur de l’Institut pour le développement industriel et la croissance économique (IDIC), José Luis de la Cruz, interviewé par Expansión.
Le ministre Herrera a insisté à nouveau sur ce point au cours de la remise du « Paquet » au Congrès : « notre proposition budgétaire est responsable, très responsable ».
Le projet de budget, tel qu’il a été rédigé par le personnel du ministère, présente un excédent primaire de 0,7%. L’enjeu pour le gouvernement est de faire savoir aux marchés qu’il s’efforce de pas s’endetter davantage, tandis que le président précédent, Enrique Peña Nieto, a laissé à son successeur une dette publique représentant plus de 50% du Produit intérieur brut (PIB) du pays en 2018.
Un tel niveau d’endettement public était jusqu’alors inconnu au Mexique.
“Il s’agit d’un projet de budget réaliste, respectueux des équilibres macroéconomiques, le gouvernement s’efforce de ne pas inquiéter les marchés et c’est une bonne chose » considère le directeur du Centre de recherche économique et budgétaire (CIEP), Héctor Villareal, interviewé par El Financiero.
Le ministère de l’Economie, dans ce document, expose que l’endettement doit faire l’objet d’une régulation plus transparente, d’où la création prévue d’un organe de conseil autonome qui analyse et statue sur les décisions budgétaires ayant un impact sur l’endettement public. L’objectif étant de « consolider la mise en oeuvre d’une politique budgétaire responsable », « surveiller les effets budgétaires des décisions politiques », et de « renforcer la transparence et la responsabilité dans l’exercice de la politique budgétaire ».
L’idée de la création d’un tel organe de conseil existait déjà sous l’ex-président Enrique Peña Nieto, mais n’avait pas reçu l’approbation de l’ex-ministre de l’Economie et des Finances, José Antonio Meade.
Ce qui inquiète : l’optimisme!
Les prévisions économiques sur lesquelles se fonde le paquet de budget de la Fédération tablent sur le retour du Mexique à une croissance économique située entre 1,5 et 2,5% d’ici à fin 2020.
Une projection que l’agence Moody’s a qualifié d' »optimiste », dans un pays qui a frôlé la récession cet été, et qui expose le gouvernement mexicain à une répétition des déboires de 2019 : que la croissance économique espérée ne soit pas au rendez-vous, et que le niveau espéré de recettes publiques fasse également défaut.
“S’il y a moins de croissance et de revenus pétroliers que prévu, cela pourra amener le gouvernement à revoir ses dépenses à la baisse, et donc à effectuer des coupes au cours de l’exercice budgétaire”, met en garde Mariana Campos, du think-tank Mexico Evalua, dans une intervention sur Aristegui Noticias.
D’après l’analyste José Luis de la Cruz, « cela fait trente ans que le Mexique ajuste ses budgets sur le dos de l’investissement public dans l’économie du pays, ce qui a freiné la croissance potentielle ».
Le gouvernement, par ailleurs, est tenu par ses engagements de lutte massive contre la pauvreté et de relance de la production pétrolière et de l’industrie pétrochimique nationale, le tout combiné avec ses promesses de non endettement et non augmentation des impôts (pour l’instant).
La crainte qui se répand est donc une répétition, en 2020 ou au plus tard en 2021, du scénario d’avril 2019, lorsque le ministère de l’Economique et des Finances – tenu alors par Carlos Urzua, qui a démissionné ensuite – a opéré une révision générale des dépenses, sabrant les budgets à tour de bras et portant un préjudice inattendu aux dépenses de santé et d’infrastructure.
Plus pessimiste encore que ses pairs, l’analyste Hector Villareal n’exclut pas des « coupes très douloureuses » dès l’exercice de l’année 2020, lesquelles « pourraient même affecter les budgets de sécurité publique » – et ce alors même que l’année 2019 a affiché des niveaux de violence criminelle jamais vus dans l’histoire du pays.