Les États-Unis et le Mexique ont ouvert vendredi une « nouvelle étape » dans leur lutte contre les trafics de drogue, d’armes et de migrants le long de leur 3150 kilomètres de frontière, en annonçant la refonte d’une coopération que le Mexique voulait plus équilibrée avec son puissant voisin.
Santé et sécurité des populations, prévention des trafics et poursuite des réseaux criminels transfrontaliers : le secrétaire d’État américain Antony Blinken a détaillé à Mexico les « trois piliers » de ce nouvel accord.
Gangréné par les cartels qui acheminent la drogue vers le marché américain, le Mexique a enregistré plus de 36 500 assassinats en 2020, une moyenne de 100 par jour. Des cartels tout-puissants dans le nord du pays près de la frontière ont tué et menacé des dizaines de candidats aux dernières élections en juin.
La coopération sécuritaire entre les deux pays reposait depuis 2008 sur « l’Initiative de Mérida », soit une assistance financière et militaire des États-Unis au Mexique dans sa guerre contre les cartels.
Les deux pays ont enterré Merida pour laisser place à « l’accord du Bicentenaire », un hommage à l’ancienne possession espagnole qui a célébré fin septembre les 200 ans de son indépendance.
Le premier pilier du nouvel accord consiste à protéger « la santé et la sécurité des habitants de nos nations », a détaillé M. Blinken lors d’une conférence de presse avec son homologue Marcelo Ebrard.
« Dans le passé, nous avons essayé d’y parvenir en misant trop sur les forces de sécurité, et trop peu sur d’autres instruments », a-t-il ajouté, en évoquant sans chiffre précis des « investissements » dans les économies, surtout dans les régions défavorisées.
Responsabilités des États-Unis
« Le second pilier consiste à prévenir le trafic à travers la frontière », a poursuivi l’émissaire de Joe Biden. « Nous savons que la réduction du trafic d’armes est une priorité pour le Mexique, alors que de nombreuses armes illégales dans ce pays viennent des États-Unis », a-t-il reconnu.
L’officiel américain a promis plus de collaboration entre les deux pays en termes « d’enquêtes et de poursuites pour perturber la chaîne d’approvisionnement ».
De quoi satisfaire le Mexique, qui a porté plainte aux États-Unis contre de grands fabricants d’armes (Colt, Beretta, Glock…). La justice américaine va commencer à examiner le dossier le 22 novembre. Le gouvernement mexicain estime qu’entre 70 % et 90 % des armes récupérées sur les scènes de crime sur son territoire proviennent d’un trafic depuis les États-Unis.
« Nous allons approfondir notre collaboration pour combattre le blanchiment d’argent, et les autres formes de corruption », a ajouté le secrétaire d’État au sujet du troisième pilier qui soutient la « poursuite des réseaux criminels transnationaux ».
Mexico avait souhaité cette semaine de la « réciprocité » en matière de contrôle de trafic d’armes et d’extraditions, une de ses principales revendications. Mais le détail des mesures et de leur financement devrait être renvoyé à l’élaboration de plans d’action plus précis attendus d’ici fin janvier.
M. Blinken a eu les honneurs dans la matinée d’une visite guidée du Palais national par le président de gauche Andres Manuel Lopez Obrador, qui lui a montré les fresques murales de Diego Rivera.
Élu en 2018 pour six ans, « AMLO » comme on l’appelle au Mexique estime que les financements américains dans le cadre de « Merida » – trois milliards de dollars auraient été investis depuis 13 ans – devraient aller à l’aide au développement plutôt qu’à « des attaques par hélicoptère ».
Côté américain, on reste prudent sur le lien entre ces annonces et la crise à la frontière entre les deux pays, qui embarrasse le président Biden à mesure que se multiplient les arrivées de migrants d’Amérique centrale et d’Haïti. Un total de 652 migrants ont encore été arrêtés ces dernières heures dans le nord-est du Mexique près de la frontière, ont annoncé les autorités vendredi pendant la visite de M. Blinken.
« Le voyage est dangereux et n’a aucune chance de réussir », a déclaré M. Blinken au sujet de l’immigration clandestine, en promettant de s’attaquer aux « causes fondamentales » de l’immigration illégale. « Nous voulons que les relations américano-mexicaines aillent beaucoup plus loin que les questions migratoires et de sécurité », a-t-il conclu.
Il s’agissait de la deuxième visite à Mexico d’un officiel américain de haut rang depuis l’investiture du président Joe Biden en janvier, après celle en juin de la vice-présidente Kamala Harris.
Source – Agences