Dossier : l’Etat mexicain est en train de capituler face aux cartels de la drogue !

Cartel de la drogue : cette dangereuse capitulation de l’Etat mexicain dont personne ne se soucie. Une interview du spécialiste en sécurité Pierre-Marie Sève préparé par le site Atlantico.

La guerre a déjà fait plus de 400.000 morts dans le pays et ses effets pourraient rapidement s’exporter.

Atlantico : Les informations à ce sujet sont assez peu diffusées à l’international mais le Mexique est en proie depuis plusieurs années à une vraie guerre avec les cartels. Quel est réellement l’état de la situation ?

Pierre-Marie Sève : Le Mexique a toujours eu un problème de drogue. La proximité avec les Etats-Unis, immense marché très consommateur depuis les années 1960, en est la principale cause. Lors de la montée en puissance de la cocaïne au cours des années 1980, la Colombie s’est spécialisée dans la production tandis que le Mexique s’est spécialisé dans le transport et la distribution. 

Pendant longtemps, les cartels mexicains faisaient ce travail et produisaient relativement peu (toutes proportions gardées, avec notamment beaucoup de cannabis tout de même). Les cartels mexicains grandissaient en influence et en pouvoir mais la violence restait à des niveaux bas car le marché était très centralisé : le cartel de Guadalajara dirigeait tout. Additionnellement, l’Etat mexicain, dirigé par un parti unique depuis 70 ans, avait trouvé une sorte de terrain d’entente avec les cartels. 

Mais depuis, le cartel de Guadalajara s’est divisé en plusieurs cartels plus petits ce qui a entrainé des guerres de territoires et l’Etat mexicain a décidé, en 2006, de mener la guerre à ces cartels, ce qui entraine évidemment beaucoup de violences, notamment depuis l’intervention de l’armée régulière mexicaine. 

Aujourd’hui, la guerre contre la drogue continue car l’Etat et les cartels sont (officiellement en tout cas) à couteaux tirés. La violence est donc omniprésente dans les territoires où les cartels sévissent, c’est-à-dire principalement près des frontières Nord et sud du pays. 

Le nouveau président, Lopez Obrador, tente une approche moins frontale et a même déclaré que la guerre contre la drogue était terminée. Mais sur le terrain, rien ne change : une partie de la police et des politiques est corrompue, tandis qu’une autre partie fait clairement la guerre aux cartels, au péril de sa vie. Pensons ainsi à ces 5 juges fédéraux assassinés en 20 ans.

A l’inverse de ce que l’on pourrait croire, le Mexique n’est pas un narco état et le gouvernement et sa police ne sont pas tant corrompus et se battent vraiment contre le cartel. Comment expliquer que la situation ne soit pas maîtrisée dans ce cas ?

La définition de narco-Etat est très compliquée à utiliser. Aucun cartel ne cherche à mener les affaires étrangères ou l’éducation d’un Etat. Il ne remplacera pas l’Etat ainsi. Ce que veulent les cartels, c’est pouvoir faire leurs affaires tranquillement et avec le plus de liberté possible, ce qui inclut la liberté de pouvoir tuer ou voler les concurrents ou les personnes gênantes. 

Aujourd’hui, il y a de tout : des policiers et des militaires se battent vraiment contre les cartels, mais la corruption est également présente. Les policiers locaux dans certaines zones sont notoirement corrompus et le ministre de la Défense a été mis en cause et arrêté par les Américains. Bref, tout n’est pas blanc ou noir. 

Je pense justement que la corruption, si elle n’est pas systématique, est un des principaux obstacles qui empêchent de gagner cette guerre de la drogue. Mais il faut le dire, la mise en cause des cartels est plus que légitime, mais les cartels n’existaient pas avant la révolution hippie des années 1960. Sans consommateurs, il n’y a pas de producteurs et donc pas de cartels.

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