Dans moins de 5 jours, le dimanche 1er juillet 2018, les Mexicains seront appelés aux urnes pour des élections générales. Au total, près de 3 416 personnes seront élues à l’issue du scrutin mais le nombre de candidats assassinés ne cesse d’augmenter et atteint des niveaux record, sans plus d’explications ni d’enquêtes. Dossier…
Tous menaient campagne pour des mandats locaux de gouverneurs, de maires ou de conseillers municipaux : 47 candidats ont été assassinés au Mexique depuis le début du processus électoral en septembre dernier. Ce décompte morbide, régulièrement mis à jour, est établi par Etellekt, un cabinet de conseil spécialisé dans les politiques publiques.
Le 1er juillet, le Mexique doit non seulement élire son nouveau président, mais également ses députés et sénateurs, maires et gouverneurs de plusieurs États du pays. Au total, près de 3 416 personnes seront élues à l’issue du scrutin.
Ces assassinats viennent s’ajouter à quelque 122 autres, de personnalités politiques ou fonctionnaires, qui ont perdu la vie dans le même temps, dans des circonstances non élucidées. Quarante-quatre proches d’élus locaux ou de candidats municipaux ont également été exécutés au cours des derniers mois. À titre de comparaison, lors des dernières élections, en 2012, seul un candidat avait été assassiné.
Des violences impunies
Les motifs de ces crimes restent le plus souvent inconnus, dans “un pays où la politique, abandonnée à son sort, ne s’exprime que par les armes”, rapporte Gatopardo.
Et surtout, ces assassinats qui font de ces élections “les plus violentes de l’histoire du pays”, explique cette revue mexicaine, ont pour caractéristique de rester impunis, faute d’enquêtes policières sérieuses.
“Nous vivons dans un pays d’impunité totale, où les groupes qui exercent la violence contrôlent les municipalités où se sont déroulés ces assassinats”, constate Gatopardo. De fait, très peu de coupables sont retrouvés et l’indifférence règne. Les candidats locaux, pourtant conscients des dangers, ne bénéficient pas des dispositifs de sécurité adéquats.
Les politiques ne sont pas les seules victimes de cette violence électorale. Depuis septembre, 47 journalistes ont également été la cible de menaces, d’agressions ou de disparitions forcées, selon le collectif Rompe el miedo (Brise la peur). Les 25 et 29 mai, deux journalistes ont été tués, portant à dix-huit le nombre de journalistes assassinés depuis janvier 2017, un dix-neuvième étant porté disparu.
Le 14 juin, c’est un homme politique, Alejandro Chavez Zavala, candidat à la mairie de Taretan dans l’Etat du Michoacan, qui tombe sous les balles d’un groupe armé. Un candidat de plus tué ces derniers mois. Il y en aurait quelque 120 depuis le début de la campagne électorale.
Ces dernières heures, ce sont encore 14 personnes qui périssent dans trois fusillades différentes. Des crimes une nouvelle fois imputés aux Sicarios, les hommes de main des cartels de narcotrafiquants.
Sur le seul mois de juin, les médias locaux ont recensé 128 assassinats à Ciudad Juarez. Un bilan qui ne cesse de s’alourdir à l’approche des élections de dimanche prochain, et qui pourrait bien avoir une influence sur le taux de participation.
Un parfum de dégagisme plane sur cette élection historique
Représentant les plus grandes élections de l’histoire du pays, les scrutins prévus le 1er juillet prochain sont aussi bien un défi logistique, institutionnel que politique pour le pays.
Depuis son arrivée au pouvoir, en 2012, le président Enrique Pena Nieto a bien poursuivi la lutte contre le narcotrafic lancée par son prédecesseur Felipe Calderon. Mais de l’avis général, sa politique sécuritaire est un échec et hypothèque sérieusement les chances de victoire de son dauphin José Antonio Meade Kuribreña, dont le principal atout est de ne pas être encarté au PRI, le parti révolutionaire institutionnel, éclaboussé par des scandales de corruption, dont est issu le président sortant.
Sur les quatre candidats à la présidentielle seuls Amlo et Anaya semblent avoir leurs chances !
Sur le plan politique, un parfum « dégagiste » plane sur cette campagne électorale, et deux seuls candidats semblent incarner les attentes de changement des Mexicains, Andres Manuel Lopez Obrador et Ricardo Anaya.
Plus connu sous le diminutif AMLO, Andrés Manuel Lopez Obrador fait la course en tête des sondages. Cet ancien maire de Mexico, figure charismatique de la gauche mexicaine, se présente pour la troisième fois à l’élection présidentielle.
Lors de la précédente élection, en 2012, AMLO était donné favori dans les sondages, mais c’est finalement le candidat du PRI qui s’était imposé. Lopez Obrador avait contesté le résultat et dénoncé une fraude massive en faveur d’Enrique Peña Nieto. AMLO avait constitué un gouvernement parallèle et ses partisans s’étaient réunis pendant plusieurs semaines dans le centre de la capitale mexicaine.
Durant cette campagne, Lopez Obrador a martelé son discours anti-corruption tout en adoucissant son image d’opposant radical. Ses adversaires le comparent aux Vénézuéliens Chavez ou Maduro, ses partisans préfèrent voir en AMLO le Lula mexicain.
Le virage social, qu’il promet s’il arrive au pouvoir, serait une authentique révolution dans un Mexique traditionnellement tenu par des formations de droite.
Principal adversaire d’AMLO, Ricardo Anaya dit lui aussi vouloir éradiquer la corruption mais il est impliqué dans un scandale d’enrichissement illicite, qui a entaché sa crédibilité. Il envisage, lui aussi, de réformer le pays en profondeur. Ricardo Anaya, dirigeant du PAN (droite conservatrice) est parvenu à convaincre ses militants de s’allier avec certaines formations de gauche. Ce jeune juriste peut désormais compter sur le soutien du Parti de la révolution démocratique (PRD) et du Mouvement citoyen (MC).
Sources – Agences et Tv5 Monde, France Inter, Courrier international