Point de vue – By The Economist – Au Mexique, le pouvoir sans limites des gangs détruit l’économie!

Extorsions, rançons, pillages… Les gangs attaquent l’ensemble de la société mexicaine. La corruption s’est généralisée dans la classe politique. L’économie est prise en otage.

Les gangs mexicains ont toujours fait preuve d’une grande faculté d’adaptation. Dans les années 1980 ils se limitaient au trafic de marijuana et de cocaïne, mais depuis une dizaine d’années ils se sont diversifiés et pratiquent désormais l’extorsion, le trafic d’êtres humains, le trafic d’armes et l’extraction minière illégale. « Nous voyons le crime organisé au travers de la lorgnette des cartels de drogue, alors qu’aujourd’hui au Mexique nous avons affaire à un paysage criminel de type mafieux « , souligne Romain La Cour Grandmaison de l’ONG suisse Gobal Initiative Against Transnational Organised Crime.

Pourtant la réponse du gouvernement, notamment sous l’influence de la « guerre contre la drogue  » menée par Washington, continue d’être axée autour des narcotiques. Et la pression n’a fait que s’accroître récemment avec le fléau du fentanyl, un puissant opioïde médical qui cause des ravages aux Etats-Unis. L’approche sécuritaire du président Lopez Obrador, résumée par la formule « abrazos no balazos  » (des câlins, pas des balles »), entend s’attaquer aux causes du problème, mais ne fait pas grand-chose pour lutter contre les gangs.

Rançons, rapts, prostitution forcée…

Depuis quelques années cette indulgence a permis aux organisations criminelles d’infiltrer l’économie légale, et c’est aujourd’hui l’ensemble de la société qui est touché. Les enlèvements contre rançon, l’extorsion pratiquée sur les entreprises, le rançonnage des migrants à la frontière, l’enlèvement de jeunes filles (un pourcentage croissant des 25 personnes qui disparaissent chaque jour au Mexique sont des jeunes filles de 12 à 15 ans promises à la prostitution), le contrôle de certaines mines, l’exploitation forestière illégale, le siphonnage de pétrole et même le vol et la vente d’eau sont devenus monnaie courante.

Tout cela a pour conséquences une montée de la violence ainsi qu’une généralisation de la corruption au sein de l’Etat. La récente inculpation aux Etats-Unis de Genaro Garcia Luna, ancien ministre de la sécurité du président Calderon, qui avait accepté des pots-de-vin du cartel de Sinaloa pour fermer les yeux sur le trafic de drogue, en est un exemple éloquent. Désormais les gangs exercent même une influence sans précédent sur les élections. Avant le scrutin de mi-mandat en 2021, une quarantaine de candidats ont été assassinés.

Les entreprises prises en otage

L’impact des gangs sur les entreprises et la société se fait de plus en plus sentir. Certaines d’entre elles n’ont d’autre choix que d’engager les groupes criminels pour les protéger. L’extorsion est une des raisons de la torpeur de la croissance économique. Les patrons de petites entreprises ont du mal à payer l’ »impôt » dû aux gangs, ou alors veillent à ne pas trop se développer pour ne pas attirer l’attention.

Les groupes criminels ont pris une ampleur telle que certains observateurs parlent désormais d’une situation « insurrectionnelle « . Ce qui exigerait une large réponse nationale visant à éliminer la corruption, créer un système judiciaire efficient et rétablir les missions régaliennes de l’Etat (ainsi que la lutte contre la consommation de drogue aux Etats-Unis). Mais avec les dégâts causés par le fentanyl, il est peu probable que l’attention, des deux côtés de la frontière, se départît de son étroite concentration sur les drogues.

Source – The Economist

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