L’Amérique latine va entrer dans un long cycle électoral d’ici la fin de l’année 2017. Une période aux enjeux majeurs qui pourraient bouleverser le visage de cette même Amérique latine ! Par Jean-Jacques Kourliandsky.
L’Amérique latine entre dans un cycle électoral majeur à partir de cette fin d’année 2017, Chili, Honduras, Argentine avant une année 2018 marquée par un scrutin présidentiel aussi bien en Colombie qu’au Mexique, qu’au Brésil. Quels sont les enjeux de ce cycle électoral ? Le visage de l’Amérique latine peut-il en être modifié ?
Jean-Jacques Kourliandsky : L’enjeu central ce sont les élections elles mêmes. Le calendrier va-t-il être respecté ? Les campagnes électorales vont-elles être équitables ? Le dépouillement sera-t-il transparent ? En d’autres termes, existe-t-il une hypothèse de fraude ? L’Amérique latine a construit ou retrouvé dans les années 1980/2000 la voie de la démocratie représentative. Après des années de dictatures exercées au nom de valeurs sectaires présentées comme universelles. Le choix de la démocratie, celui de réguler pacifiquement et donc électoralement les antagonismes politiques et partisans, est aujourd’hui contesté.
Au Honduras (2009), au Paraguay (2012), au Brésil (2014), au Venezuela, (2017), l’un des secteurs d’opinion a choisi de monopoliser l’exercice du pouvoir. S’agit-il d’exceptions ? Ou de l’annonce d’une nouvelle période de dévoiement démocratique, d’un retour au passé ?
Selon les derniers sondages, les présidents mexicain et colombien seraient en situation défavorable, laissant une probabilité de victoire pour des candidats de gauche « radicale ». Quels sont les enjeux respectifs en ce qui concerne ces deux pays ? Quel pourrait être l’impact, au niveau régional, de tels basculements ?
Il est encore trop tôt pour faire des pronostics fiables. Les candidats ne sont pas encore tous en lice. Dans certains pays comme la Colombie et le Mexique, les contraintes constitutionnelles interdisent au président sortant de se représenter.
Les sondeurs publient des résultats possibles à partir de candidatures probables. Un constat partout malgré tout peut être fait ; celui de la défiance des opinions à l’égard des chefs d’Etat sortants et de leurs formations respectives.
La crise est passée par là d’Argentine où le parlement doit être partiellement renouvelé en octobre, au Brésil, à la Colombie ou au Venezuela. Dans certains de ces pays les majorités sont à droite (Brésil, Colombie), et dans d’autres au centre gauche (Chili) ou au-delà (Venezuela). D’ores et déjà les changements constatés qu’ils aient été le fruit d’élections correctement organisées (Argentine et Chili) ou issus d’un coup de force institutionnel (Brésil) ont réorganisé la carte diplomatique de l’Amérique latine. Les pays partisans d’une intégration au marché mondial, de droite ou de centre gauche, (Chili; Colombie; Mexique; Pérou) ont consolidé un espace particulier (l’Alliance du Pacifique). Les pays ayant fait le pari d’une intégration sud-américaine, soit ont abandonné ce projet (Brésil), soit ont vu leurs ambitions érodées par la crise (Venezuela).
Alors que l’Amérique latine a connu un cycle orienté à gauche au début des années entre les années 1990 et 2000, et un virage à droite amorcé au cours des dernières années. Quelle pourrait être la tendance de ce nouveau cycle qui s’ouvre ?
L’Amérique latine est peut-être sur le point de remettre en question l’option démocratique qui avait été la sienne il y a trente ans. L’alternance, épreuve décisive de la démocratie représentative est remise en question le plus souvent par les partisans de l’ouverture sur le marché mondial (Brésil, Honduras, Paraguay) et accessoirement par les tenants du souverainisme et du nationalisme économique (Venezuela). Paradoxalement l’élection d’un président protectionniste et souverainiste aux Etats-Unis pourrait modifier la donne.
Elle déstabilise en effet, on le voit au Mexique ou en Colombie, les partisans d’une ouverture sur le marché mondial. Ce qui pourrait redonner un regain de popularité aux partis et aux responsables privilégiant les options nationales, et progressistes, donnant la priorité aux coopérations latino-américaines et asiatiques.
Source – http://www.atlantico.fr
Jean-Jacques Kourliandsky est chercheur à l’IRIS sur les questions ibériques (Amérique latine et Espagne).
Consultant sur les situations relatives à ces régions auprès de l’administration publique et des entreprises, il intervient également auprès des Fondations Friedrich Ebert et Jean Jaurès en Amérique Latine.
Membre du Comité de rédaction de La Revue internationale et stratégique, éditorialiste dans les publications mensuelles, Espaces Latinos et Revista Latina, il publie régulièrement dans Universalia, les Annales d’Amérique latine et des Caraïbes, et de façon occasionnelle dans divers ouvrages : Croissance, Réussir à l’étranger, Le Moci, Ramses…