D’autres tremblements de terre secoueront Mexico, c’est inévitable. La seule façon d’en réduire les dégâts matériels et humains repose sur la mise en oeuvre de normes de construction parasismiques. Or, pour que ces normes soient appliquées de façon rigoureuse, il faut des autorités intègres et des institutions solides.
Par Guy Taillefer, Éditorialiste à la section internationale du journal Le Devoir.
D’autres tremblements de terre secoueront Mexico, c’est inévitable. La seule façon d’en réduire les dégâts matériels et humains repose sur la mise en oeuvre, dans la capitale comme à l’échelle nationale, de normes de construction parasismiques.
Or, pour que ces normes soient appliquées de façon rigoureuse, il faut des autorités intègres et des institutions solides. Mais de cela, le Mexique manque cruellement. Les Mexicains souffrent d’un État de droit vacillant — où le fléau de la corruption est mis en évidence sur une base régulière par la violence induite par le narcotrafic.
En toute honnêteté, il faut dire que ces normes ont été renforcées après le tremblement de terre qui a fait au moins 10 000 morts en 1985 dans la capitale mexicaine et que, ce faisant, elles ont permis de limiter les dégâts provoqués par le séisme du 19 septembre dernier — là où on a eu le courage de les faire respecter.
Là où on a laissé la corruption s’en mêler, l’application à géométrie variable du règlement a contribué à aggraver le bilan d’un séisme qui a causé des dommages importants à 2000 immeubles, dont plusieurs étaient de construction récente, fait 350 morts et des milliers de blessés et de sans-abri. Y compris dans des quartiers aisés comme Roma et Condesa. Aussi traumatisant que fut le tremblement de terre de 1985 pour le pays, il n’aura pas conduit à un véritable changement des mentalités.
Le séisme qui vient de faire trembler Mexico et celui survenu deux semaines plus tôt dans les États du Chiapas et d’Oaxaca (faisant une centaine de morts) ont ranimé le débat sur la reconstruction et la distribution de l’aide — dans l’espoir que les mêmes erreurs et les mêmes abus ne se reproduisent pas. Difficile pour les victimes d’être optimistes.
En 2013, après que deux ouragans eurent balayé les côtes du Pacifique et du golfe du Mexique, le gouverneur du Guerrero, l’État le plus durement frappé, avait été accusé de détourner l’aide à des fins partisanes. Dans la foulée, des responsables gouvernementaux s’étaient associés à des organisations anticorruption pour tenter de rendre plus transparente la distribution des fonds. Cette bonne volonté est restée lettre morte.
Facteur aggravant : le Mexique entre en campagne électorale en vue de la présidentielle et des législatives de juillet 2018. Dans un pays où l’impunité autorise les politiciens à utiliser les fonds à des fins clientélistes, il est dans l’ordre des choses que les 2 milliards $US que le gouvernement fédéral destine à la reconstruction ne seront pas distribués le plus équitablement du monde. Ce qui ne fera que creuser la désillusion du commun des citoyens à l’égard des autorités, et le sentiment que le mal de la corruption est incurable.
Guy Taillefer
Éditorialiste à la section internationale Le Devoir
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