L’indignité ancienne, chronique et durable du Mexique sur la scène Internationale devrait conduire les adversaires de la nouvelle politique américaine vis à vis de Mexico à plus de prudence – Point de vue du journaliste Stéphane Trano.
Le Mexique est un pays fier, riche et corrompu, où les profondes inégalités n’ont pas nécessairement à rejaillir sur les pays voisins et, en particulier, sur les Etats-Unis. C’est également un pays démocratique, qui n’est pas en guerre et où la population ne connaît pas de persécutions officielles.
A ce titre, ceux qui font le choix de s’exiler le font poussés par différents motifs qui ont tous en commun de reposer sur l’incapacité ou le manque de volonté réelle des gouvernements mexicains successifs à assurer une juste redistribution des richesses à travers le pays, à combattre une effroyable corruption généralisée, à endiguer la violence et les puissants réseaux de la drogue qui inondent, au passage, les pays voisins.
Un Pays Riche Qui Envoie Ses Pauvres Ailleurs
Le Mexique ne remplit pas ses obligations vis à vis de sa population mais celle-ci est en pleine possession de ses droits à voter, à se soulever, à protester et à s’organiser. Il n’est pas acceptable que les dirigeants mexicains gémissent et se contorsionnent face à la réorientation de la politique américaine : à la fois fier et larmoyant, c’est le 14ème pays de par sa superficie, 11ème de par sa population mais surtout, son produit intérieur brut le situe au 15ème rang mondial, cinquième producteur mondial de pétrole.
Il faudrait réapprendre à différencier le sort des populations qui n’ont aucun moyen de créer des conditions nouvelles dans leur pays ni d’autre choix que de se déplacer pour survivre, de celui des populations qui sont avant tout victimes de leurs choix politique et de leur tolérance à l’égard de pouvoirs truqués et fallacieux.
Avant de se livrer à une représentation du « drame » mexicain pour l’utiliser contre la politique du mur de Donald J. Trump, il serait bon de rappeler que le respect des frontières est une obligation de chaque pays à l’égard de son voisin. Pourquoi ce type de remarques de bon sens est-il à ce point devenu impossible sans passer pour le défenseur d’un nouveau fascisme ?
Au cours de la semaine, CNN a diffusé des reportages montrant des candidats au passage illégal vers les Etats-Unis, assénant par tous les effets possibles la gravité de la nouvelle politique américaine contre ces individus jetés sur les routes du désespoir. On ne peut que rester interrogatif face à une propagande en faveur de l’illégalité, qui présente à visages découverts ces Mexicains comme on présenterait des réfugiés syriens ou soudanais. Pourtant, la distance est immense, humainement et moralement, entre ces deux types de réfugiés.
Que l’idée d’un mur choque – la presse américaine est même allée jusqu’à utiliser les déclarations du maire de Berlin évoquant le contenu forcément « fasciste » d’une telle démarche – est un chose. Que l’on y voit autre chose que la matérialisation d’une volonté d’affirmer une posture face à un type d’émigration assez particulier en est une autre.
Ceux qui, aujourd’hui, instrumentalisent cette affaire de mur entre les Etats-Unis et le Mexique, ferait bien de se souvenir du comportement des autorités mexicaines lors de l’affaire Florence Cassez et de réviser leurs classiques quant à la réalité de la société mexicaine, qui devra tôt ou tard prendre en main son destin et ses responsabilités, plutôt que de se comporter comme un pays arriéré quand cela l’arrange, tout en tenant un discours de nation puissante et moderne à qui le défie et en souligne les errances.
Stéphane Trano est journaliste politique et écrivain.
Spécialiste des Etats-Unis où il réside depuis 2006, il a tenu pour “Marianne”, en 2012, un blog quotidien depuis Chicago sur la politique et la société américaines durant la présidentielle qui a vu la réélection d’Obama.
Stéphane Trano est membre de la principale organisation professionnelle des journalistes aux Etats-Unis (Society of professional journalists, Indianapolis), de la Missouri school of journalism (Columbia) et de la Fédération internationale des journalistes (Bruxelles).