Affaires – Faut il avoir peur d’investir au Mexique ?

C’est un paradoxe pour les investisseurs qui veulent s’exposer au marché mexicain. La violence endémique et la corruption dans ce pays représentent un risque majeur. Mais dans le même temps, le Mexique a une économie stable et mieux diversifiée que la plupart des marchés émergents.

Dans son analyse weekend, François Normand traite des risques géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000, François Normand est spécialisé en affaires internationales. Que ce soit à partir de Montréal ou à l’étranger, il couvre les enjeux internationaux qui touchent les entrepreneurs et investisseurs québécois.

C’est ce qui ressort d’une analyse récente sur le Mexique publiée par le Mouvement Desjardins, qui décortique en profondeur les forces et les faiblesses de la 15ème économie mondiale, abritant 125 millions d’habitants.

Même si le Mexique est membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il souffre de plusieurs problèmes inhabituels pour un pays industrialisé.

La criminalité est l’un de ces problèmes.

«Parmi les principales craintes concernant le Mexique, les problèmes de criminalité viennent souvent en premier lieu», écrit Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins.

En 2014, un Mexicain sur cinq a été victime d’un act criminel. Pis encore, les crimes d’assaut, de fraude, d’extorsion ou de comportement menaçant sont à la hausse. Et ces problèmes sont plus souvent qu’autrement liés au trafic de la drogue.

Coface et Euler Hermes, deux firmes spécialisées dans la gestion du risque, confirment que la criminalité figure parmi les principales faiblesses du pays.

Le Mexique affiche un taux d’homicide de 23,4 par 100 000 habitants, ce qui fait de ce pays de l’OCDE le plus dangeureux après le Brésil. Soulignons que les États-Unis arrivent au quatrième rang, juste après le Russie.

La corruption est un autre problème majeur au Mexique.

Sur 168 pays évalués par Transparency International en 2015, le Mexique se classe au 95e rang, soit un score pire que le Brésil (76e rang) ou la Colombie (83e rang).

Pour mettre les choses en perspective, le Canada et les États-Unis arrivent respectivement au 9e et au 16e rang. Et le pays le moins corrumpu au monde est le Danemark.

Au Mexique, la corruption affecte particulièrement les partis politiques, la police et les intervenants du système judiciaire. «La confiance des Mexicains envers les institutions publiques est particulièrement basse», souligne Francis Généreux.

Le Mexique est aussi confronté à d’importantes inégalités des revenus, la persistance du travail au noir (plus de la moitié des habitants ont un emploi non déclaré), sans parler de la pollution (même si la situation s’est améliorée ces dernières années).

Tous ces facteurs négatifs nuisent à la réputation du Mexique, affectent la confiance des entreprises et limitent les investissements, notamment en provenance de l’étranger, selon l’économiste de Desjardins.

«Ils font partie des raisons pour lesquelles l’économie mexicaine n’a pas connu l’essor d’autres pays émergents après le bon initial lié à l’ouverture des échanges avec les États-Unis».

Malgré ces problèmes, le Mexique reste un marché intéressant pour les entreprises et les investisseurs.

Depuis son creux du 31 mars 2009, en pleine récession mondiale, l’indice phare de la Bourse de Mexico a progressé de 130%, selon Bloomberg. Sur le même période, le Dow Jones de la Bourse de New York a fait 132%.

Sur le marché obligataire, les obligations de 10 ans du gouvernement mexicain offrent un rendement à l’échéance de 5,926 %, ce qui peut être intéressant pour les investisseurs qui ont une certaine tolérance au risque.

À titre de comparaison, celles du Canada et des États-Unis offrent respectivement un rendement de 1,356 % et de 1,759 %, selon Bloomberg.

Dans son analyse, Desjardins identifie plusieurs forces du Mexique:

– même si le pays produit du pétrole, son économie est moins dépendante des aléas de l’offre et de la demande internationale de certaines matières premières.

– la consommation privé au Mexique représente 69,3% du PIB, soit sensiblement le même niveau qu’au Canada et aux États-Unis.

– le secteur manufacturier représente 17,7% du PIB, avec une industrie automobile de plus en plus importante.

– depuis une quinzaine d’années, le peso mexicain a perdu de la valeur par rapport au dollar américain, ce qui rend les produits mexicains plus compétitifs aux États-Unis.

Selon Desjardins, le Mexique est bien placé pour profiter du présent cycle de croissance économique aux États-Unis.

Les échanges commerciaux avec son puissant voisin et la diversification de son économie permettent d’ailleurs au Mexique de moins souffrir des problèmes qui affectent plusieurs pays émergents.

Cela dit, le pays fait face à plusieurs défis. Il doit notamment améliorer sa productivité et son système d’éducation, sans parler de renforcer les règles de droit et de rétablir la confiance des Mexicains à l’égard des institutions publiques.

«Relever tous ces défis permettrait enfin à l’économie mexicaine d’atteindre le développement et la progression qui ont été souvent promis mais jamais réalisés», estime Francis Généreux.

Source – François Normand – http://www.lesaffaires.com/

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