En juillet prochain, les Mexicains éliront leur nouveau président et vont renouveler les sièges des députés et de certains élus locaux. Selon le ministre de l’Intérieur au Mexique, des candidats subiraient des pressions de la part du crime organisé.
«Il y a des signaux d’alerte, des tentatives dans plusieurs régions du pays», a admis Alfonso Navarrete, interrogé par des journalistes sur les pressions que subissaient certains candidats de la part du crime organisé.
Le ministre a notamment mentionné la localité de Chilapa, dans l’Etat de Guerrero (sud), l’un des Etats les plus violents du pays, où «il y a eu des tentatives d’obliger certains candidats (…) à faire allégeance à un groupe criminel».
Candidats préoccupés
Deux des principaux candidats à l’élection présidentielle, José Antonio Meade du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, droite), et Ricardo Anaya candidat d’une alliance entre le Parti action nationale (PAN, conservateur) et deux partis de gauche, ont exprimé leur préoccupation devant une possible infiltration des cartels de drogue dans la campagne.
Le vétéran de gauche et actuel favori des sondages, Andres Manuel Lopez Obrador, a cependant lui assuré qu’il ne voyait aucun signe d’ingérence du crime organisé. Il a déclenché une vive polémique il y a quelques mois en indiquant qu’il n’écartait pas la possibilité de proposer une amnistie aux criminels pour faire diminuer les violences liées au narcotrafic.
Selon l’association nationale des maires, plus de 100 maires, ou anciens maires, ont été assassinés par des groupes criminels depuis 2006. Gustavo Martin Gomez Alvarez, un candidat aux municipales dans la localité de Francisco Z. Mena, dans l’Etat de Puebla (centre), a été abattu de onze balles dans un restaurant de cet Etat.
Quelques heures plus tôt, le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, avait averti que la violence politique avait atteint des niveaux «absolument inacceptables» au Mexique.
Le coup d’envoi de la présidentielle mexicaine est donné
C’est le plus grand scrutin de l’histoire du Mexique, avec 3 400 autres mandats nationaux et locaux en jeu. La campagne a débuté vendredi 30 mars, sur fond de rejet du gouvernement et des partis traditionnels. La soif de changement des Mexicains profite à l’opposition.
Le favori des sondages, Andrés Manuel Lopez Obrador, promet d’« en finir avec la mafia au pouvoir », faisant du combat contre la corruption son cheval de bataille. Ses deux adversaires luttent de leur côté pour la deuxième place dans un scrutin à un tour qui permet des victoires à l’arraché.
La crise des partis traditionnels
Chacun des grands candidats est à la tête d’une coalition. Baptisée « Le Mexique en avant », l’alliance droite-gauche (PAN-PRD-MC) de M. Anaya est comparée par ses opposants au « mariage de l’huile et de l’eau ».
Sous le slogan « Tous pour le Mexique », le candidat du PRI porte aussi les couleurs des partis Vert (PVEM, écologiste) et Nouvelle Alliance (NA, centre).
Quant à la coalition menée par AMLO, « Ensemble nous ferons l’histoire », elle fait grincer des dents au sein de la gauche en unissant Morena et le Parti des travailleurs (PT, gauche) avec le parti ultraconservateur Rencontre sociale (PES, évangélique), opposé à l’avortement et au mariage pour tous.
M. Lopez Obrador dicte l’agenda de la campagne et lui donne le tempo. Sa remise en cause de l’ouverture du secteur pétrolier au privé, votée en 2013, et de la construction d’un nouvel aéroport à Mexico provoque une levée de boucliers. Même le président a réagi sur les coûts financiers d’une révision des contrats signés. En face, AMLO tente de rassurer les milieux d’affaires. M. Anaya et M. Meade misent, eux, sur un sursaut des électeurs contre le favori.
Andrès Manuel Lopez Obrador semble le mieux placé pour succéder au président Enrique Peña Nieto, dont la popularité est en berne.
« AMLO », comme il est surnommé, participe pour la troisième fois à la présidentielle. En 2006, il avait fait figure de favori durant la majeure partie de la campagne avant finalement de perdre face au conservateur Felipe Calderón du Parti action nationale (Pan).
Cet homme de gauche au tempérament parfois fougueux semble le mieux placé pour succéder au président Enrique Peña Nieto. En plus d’être un personnage « bien enraciné dans la vie politique mexicaine », pointe Hélène Combes, chercheuse à Sciences Po Paris, Lopez Obrador arpente le pays depuis des années à la rencontre de ses électeurs.
Décrit par ses détracteurs comme un populiste de gauche, le candidat du Morena (Mouvement de régénération nationale) cherche activement à se démarquer de cette étiquette. « En 2006, il avait fait l’objet d’une campagne de discrédit très importante dans les médias ; on l’accusait d’être le Chavez mexicain. Lopez Obrador a essayé de se démarquer de cette image. Il a fait des alliances avec des secteurs assez variés dans la société, notamment avec des entrepreneurs, et il a aussi fait un choix assez original : il a déjà publié la composition de son gouvernement s’il est élu. »
Plus de 120 000 morts en 6 ans !
La popularité du président sortant a plongé à la fois en raison des affaires, mais aussi de la situation sécuritaire. « La situation du Mexique s’est encore détériorée pendant le mandat de Enrique Peña Nieto, surtout sur la question de la violence. Aujourd’hui, le Mexique est un des pays les plus violents au monde. Pendant son mandat, il y aurait eu plus de 120 000 morts dans ce qu’on appelle la guerre contre le narco, avec la question des gangs, de l’armée, des cartels. »
Selon le sénateur du Pan, Ernesto Ruffo, il s’agira pour beaucoup d’électeurs le 1er juillet de voter soit contre la corruption du parti au pouvoir, soit contre Lopez Obrador.
Sources- La rédaction avec Le Monde / RFI et agences