L’augmentation des tarifs douaniers décidée par Donald Trump a conduit des entreprises américaines à changer de fournisseur. Dans cette réorganisation des chaînes d’approvisionnement, le Vietnam et le Mexique sont les premiers bénéficiaires..
« Les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner », twittait Donald Trump début 2018, quelques mois avant d’officialiser les premières hausses de tarifs douaniers à l’encontre de produits chinois. Pas sûr que cet avis soit partagé par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), qui vient de publier une étude évaluant l’impact de la guerre commerciale sino-américaine sur l’économie des deux pays.
Le document, qui se focalise sur les deux premières phases de relèvement de droits de douane imposés par Washington en juillet 2018 (sur 60 milliards de dollars de produits chinois), puis en septembre 2018 (sur 200 milliards de dollars de marchandises), montre que ces décisions politiques se sont soldées par des effets néfastes des deux côtés du Pacifique : une hausse des prix des produits concernés pour les ménages ou les entreprises américaines, ainsi que des pertes importantes pour les exportateurs chinois.
Les importations américaines de biens chinois frappés par les droits de douane ont en effet diminué de près de 25 % entre début 2018 et début 2019, passant de 130 à 95 milliards de dollars. Les équipements de bureau ont subi la baisse la plus importante (- 65 %) devant les produits agroalimentaires, chimiques et les instruments de précision qui ont eux aussi été fortement touchés (- 30 %). Cette baisse des importations de produits pénalisés n’a été qu’en partie compensée par la hausse des produits épargnés par ces mesures : tous produits confondus, les Etats-Unis n’ont acheté que 230 milliards de produits chinois au premier semestre 2019, contre 255 milliards en 2018 à la même période, soit une baisse de 10 %.
Diversification de l’approvisionnement
Pour tenter malgré tout de conserver leurs parts de marché, les exportateurs chinois commencent à rogner sur leurs marges, en réduisant leurs prix de vente. Toutefois, il faudra quelque temps avant que cet impact ne se matérialise à grande échelle sur l’économie chinoise, de nombreux prix d’importation étant fixés à long terme par des contrats. « Chercher à préserver ses parts de marché est une bonne stratégie lors d’une hausse des coûts relatifs au commerce qui est temporaire, ou du moins perçue comme telle. Cela évite que des concurrents étrangers ne s’en emparent », souligne l’économiste Alessandro Nicita, auteur de l’étude. La baisse des importations des Etats-Unis ne signifie pas que les Américains se sont tout bonnement passés de l’équivalent de 35 milliards de dollars de marchandises. Ils ont aussi cherché à se les fournir ailleurs.
Grâce à la compétitivité de ses entreprises, la Chine a réussi à maintenir les trois quarts de ses exportations à destination du pays de l’Oncle Sam. Mais ce dernier commence à diversifier ses fournisseurs. Cette réorganisation de la chaîne d’approvisionnement tourne à l’avantage de Taïwan (principalement dans le secteur du matériel de bureau) et du Mexique (dans les secteurs agroalimentaires et électroniques) – qui profite de sa proximité géographique avec le géant américain. Dans une moindre mesure, l’Union européenne et le Vietnam en ont aussi bénéficié. « Les grands pays disposant de capacités de production inutilisés et d’infrastructures de transport de qualité sont les plus à même de remplacer la Chine sur le marché américain », analyse Alessandro Nicita. L’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne n’auraient bénéficié que marginalement de cette nouvelle répartition du commerce mondial.
Au total, sur les 35 milliards de dollars perdus par les exportateurs chinois, 21 milliards ont bénéficié aux exportateurs d’autres pays. Les 14 milliards restants constituent une « perte commerciale », c’est-à-dire qu’ils représentent des produits dont les Américains se sont passés, ou dont la production a été relocalisée. Sans surprise, les secteurs de prédilection de la Chine, à savoir les machines de bureau, les équipements informatiques ou électroniques, sont ceux où la perte commerciale constatée a été la plus importante. Autrement dit, les Américains n’ont su trouver de fournisseurs aussi compétitifs que leurs pires ennemis chinois, ou alors ils ont relocalisé la production mais l’étude ne le précise pas.
« Les droits de douane imposés par les Etats-Unis sur la Chine ont un impact économique négatif sur les deux pays », conclut l’auteur de l’étude, soulignant la nécessité d’ajouter à l’analyse l’impact des tarifs douaniers imposés par la Chine. Une guerre perdant-perdant donc. Si les négociations entre les deux parties ont repris début octobre, les craintes de nouvelles escalades ne se sont pas dissipées pour autant.