Il y a un an, le nouveau président Donald Trump multipliait les tweets visant des industriels américains et leurs investissements au Mexique. En dépit de quelques annonces spectaculaires, la méthode Trump n’est pas encore très efficace.
Les flux d’investissements directs américains au Mexique en 2017 atteignaient à la fin du troisième trimestre, 10 milliards de dollars (8 milliards d’euros), la part des États-Unis dans les investissements étrangers au Mexique passant de 35 % en 2016 à 47 % l’an passé.
« Merci à Ford de démolir une nouvelle usine au Mexique et de créer 700 nouveaux emplois aux États-Unis. C’est juste le début – beaucoup vont suivre. » Ce tweet de Donald Trump date d’il y a un peu plus d’un an : quelques jours avant de prendre ses fonctions, le 20 janvier 2017, le président élu se félicitait d’une annonce du constructeur américain, qui venait de revenir sur un projet d’investissement de 1,6 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros) au sud du Rio Grande, à San Luis Potosi.
Sitôt élu, l’homme d’affaires du Queens s’était attaqué, dans ses tweets, à plusieurs industriels, coupables à ses yeux de ne pas assez investir sur le sol américain. Chaque volte-face était saluée comme un succès personnel, signe que sa méthode payait. Vraiment ? « Rien n’a changé, dans les faits, avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Nos relations politiques sont très compliquées mais la réalité économique est différente », confie aujourd’hui un diplomate mexicain.
De fait, les données n’indiquent pas, pour l’heure, de changements majeurs. Ainsi, les flux d’investissements directs américains au Mexique en 2017 atteignaient à la fin du troisième trimestre – statistique disponible la plus récente – 10 milliards de dollars (8 milliards d’euros), contre 7 milliards de dollars l’année précédente à pareille époque.
Augmentation en valeur absolue, augmentation en valeur relative aussi, la part des États-Unis dans les investissements étrangers au Mexique passant de 35 % en 2016 à 47 % l’an passé. Toujours dans le domaine automobile, les exportations du Mexique vers les États-Unis ont continué de progresser en 2017 (+ 9,4 %).
Moralité : alors que l’économie américaine a créé des emplois, le secteur automobile a, lui, perdu des postes de travail – il employait 783 200 personnes fin novembre 2017, contre 788 900 fin décembre 2016. En mars dernier, General Motors avait certes promis, sous la pression de Donald Trump, de créer 900 emplois dans les douze prochains mois.
Des données à confirmer
Mais si le premier constructeur américain dit être en bonne voie pour honorer cette promesse, ses effectifs ont pourtant diminué en un an, pour tomber à 52 000 employés à temps plein fin 2017 contre 55 000 un an plus tôt. Ces données ne sont que partielles et doivent encore être confirmées. Par ailleurs, le temps de la politique n’est pas celui de l’économie.
Des décisions d’investissement sont prises en amont et les pressions de Donald Trump pourraient se faire sentir plus tard. Tout comme les conséquences de sa réforme fiscale, qui a réduit le taux d’imposition sur les entreprises, de 35 % à 21 %.
Le constructeur automobile italo-américain Fiat Chrysler a ainsi dévoilé la semaine dernière un plan d’investissement d’un milliard de dollars dans une usine du Michigan, dans le but de relocaliser d’ici à 2020 la production de son pick-up Ram Heavy Duty, actuellement fabriqué au Mexique.
Se méfier des effets d’annonce
Il n’empêche que cette première année de présidence confirme qu’il faut se méfier des effets d’annonce. Faute de résultats très convaincants, Donald Trump pourrait désormais être tenté par une grande fermeté dans le cadre de la renégociation de l’Alena, le traité de libre-échange nord-américain conclu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Conformément à un engagement de sa campagne, le président américain a contraint ses deux partenaires à s’asseoir à la table pour renégocier les termes de l’accord entré en vigueur en 1994.
À l’automne, les trois pays se sont donnés jusqu’à fin mars pour s’entendre sur la modernisation de l’Alena. Cette renégociation entre aujourd’hui dans une phase cruciale à Montréal, avec les débuts d’un sixième cycle de discussions. Les représentants des trois pays vont tenter, pendant six jours, de trouver un compromis, dans un contexte de relations commerciales également tendues entre le Canada et les États-Unis, plusieurs contentieux étant portés devant l’Alena.
Mais l’humeur n’est guère à l’optimisme, alors que Donald Trump continue de marteler, sur Twitter, que « l’Alena est une mauvaise blague ! ». Alors qu’approchent les élections de mi-mandat, en novembre, le locataire de la Maison-Blanche se doit d’avoir des résultats à faire valoir auprès des électeurs.
L’avenir de l’Alena en question
Signé en 1992 par le président américain George Bush, le premier ministre canadien Brian Mulroney et le président mexicain Carlos Salinas de Gortari, l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) est entré en vigueur le 1er janvier 1994.
Cet accord de libre-échange permet la suppression des barrières douanières entre ces trois pays.
L’une des conséquences de l’Alena a été l’essor de l’industrie automobile mexicaine, de nombreux constructeurs européens, asiatiques et américains s’installant au Mexique pour bénéficier des coûts de main-d’œuvre inférieurs, tout en ayant accès au marché américain.
Le Mexique est désormais l’un des premiers exportateurs mondiaux de voitures… sans avoir de marque nationale.
Gilles Biassette – (www.la-croix.com)