Lopez Obrador (surnommé « Amlo ») veut faire remonter la production de brut, en déclin depuis près de quinze ans. Les investisseurs doutent qu’il s’en donne les moyens et s’interrogent sur ses intentions vis-à-vis du privé. Le président du Mexique vise un retour à 2,5 millions de barils d’ici à 2025 mais la dette de Pemex dépasse les 100 milliards de dollars….
C’est l’une des grandes promesses d’Andrés Manuel López Obrador. Le nouveau président mexicain , qui prend ses fonctions ce samedi, veut faire remonter la production de pétrole du pays, qui n’a cessé de décliner depuis près de quinze ans. De 3,4 millions de barils par jour en 2004, elle est tombée à 1,8 million. Si rien n’est fait, elle reculerait à 1,2 million de barils dans cinq ans, prévoit GlobalData, le rendement des champs offshore géants du golfe du Mexique déclinant régulièrement au fur et à mesure de l’avancée de leur exploitation.
Lopez Obrador (surnommé « Amlo ») vise un retour à 2,5 millions de barils d’ici à 2025. Le Mexique réintégrerait ainsi le Top 10 des producteurs mondiaux. Mais le nouveau président s’en donne-t-il les moyens ? Atteindre un tel objectif nécessiterait près de 60 milliards de dollars d’investissements pour mettre en exploitation de nouveaux champs en eaux profondes, toujours selon GlobalData.
La compagnie nationale exsangue
Or Pemex, la compagnie nationale, est exsangue. Sa dette dépasse les 100 milliards de dollars, ce qui en fait la société pétrolière la plus endettée du monde. Le gouvernement précédent avait, pour la première fois, ouvert le secteur pétrolier aux investisseurs privés. Plus de cent contrats d’exploration ont été attribués à des compagnies comme Shell ou Total. Des découvertes majeures laissent espérer une remontée de la production à moyen terme .
Seulement voilà, AMLO s’est fermement opposé à cette ouverture au privé lorsqu’il était dans l’opposition. Depuis son élection en juillet, l’incertitude règne sur ses intentions. « Les contrats attribués seront-ils remis en question ? Personne ne le sait aujourd’hui car le nouveau président envoie des signaux contradictoires et les investisseurs s’inquiètent », explique Isabelle Rousseau, professeure au Colegio de Mexico.
Priorité au raffinage
Le nouveau président veut en tout cas montrer qu’il reprend en main la politique pétrolière. Il a commencé par nommer à la tête de Pemex l’un de ses proches alliés, Octavio Romero Oropeza, et promis une injection de capital de 4 milliards de dollars pour renflouer l’entreprise.
Le nouveau pouvoir donne la priorité au raffinage, afin de réduire les importations de carburant des Etats-Unis. Une nouvelle raffinerie doit être construite dans l’Etat de Tabasco dont Amlo est originaire. « Le nouveau président veut réduire les importations de produits raffinés pour rétablir la sécurité énergétique du Mexique, ce qui est louable, mais d’où viendra l’argent pour ces investissements ? »interroge Isabelle Rousseau.
« Le problème de cette stratégie, c’est qu’elle coûte cher et qu’elle n’est pas nécessairement la meilleure », critiquent les analystes d’UBS. Augmenter les capacités de raffinage n’a de sens que si la production de pétrole nécessaire pour nourrir les raffineries augmente en conséquence, relèvent-ils. Or les investissements dans l’exploration-production ont été évalués à ce stade par le nouveau gouvernement à moins de 4 milliards de dollars, « un niveau extrêmement faible » qui ne permettrait pas d’enrayer le déclin.
Pemex sous surveillance
Sans attendre d’y voir plus clair, l’agence de notation Fitch menace d’ores et déjà de dégrader la note de Pemex, soulignant la situation financière ultra-tendue de cette société que les gouvernements successifs ont largement mise à contribution pour renflouer les finances publiques. Au cours des cinq dernières années, l’Etat a ponctionné plus de 80 % des bénéfices de l’entreprise, relève l’agence. Pemex assurait, les bonnes années, jusqu’à 30 % des recettes budgétaires du Mexique.