C’est un sujet qui fâche, des mesures sociales et environnementales qui ne passent pas. Le Mexique et le Canada accusent Joe Biden de protectionnisme dans le développement des voitures électriques.
Pour le Premier ministre canadien Justin Trudeau et le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador, reçus par leur homologue américain, ce plan d’investissements va anéantir leur secteur automobile. Le plan de mesures sociales et environnementales de 1.750 milliards de dollars voulus par Joe Biden, actuellement en négociation au Congrès, comprend en effet un crédit d’impôt pour inciter les Américains à acheter des véhicules électriques « made in USA », une disposition très critiquée par les partenaires commerciaux des Etats-Unis notamment en Amérique du Nord.
D’un montant de 12.500 dollars pour les véhicules électriques, ce crédit inclut l’actuelle déduction fiscale qui peut aller jusqu’à 7.500 dollars, à laquelle s’ajouterait un crédit d’impôt de 4.500 dollars si le véhicule est fabriqué par des ouvriers syndiqués aux Etats-Unis ainsi que 500 dollars si la batterie est également de fabrication américaine. Les incitations financières proposées constituent « une menace plus importante que tout ce que Donald Trump a pu nous imposer » y compris les droits de douane punitifs, a récemment estimé Flavio Volpe, le président de la fédération des fabricants de pièces automobiles du Canada (APMA).
Biden s’enthousiasme pour le Hummer électrique de General Motors
« Nous avons souligné très clairement nos préoccupations », a expliqué Justin Trudeau après ce sommet, regrettant la création de « barrières additionnelles » alors qu »‘un sentiment de protectionnisme court aux Etats-Unis depuis plusieurs année ». Il a assuré qu’il allait continuer à « travailler de façon engagée et positive pour résoudre cette situation ».
L’industrie automobile nord-américaine est extrêmement intégrée. Au cours de la fabrication de voitures, les pièces et composants automobiles traversent les frontières mexicaine, américaine et canadienne plusieurs fois avant d’être assemblés dans l’un des pays partenaires.
Mais l’administration Biden entend clairement favoriser les emplois syndiqués aux Etats-Unis et la fabrication nationale. Et mercredi, en visite à Détroit chez General Motors, le président a donné le ton : « le futur est électrique – et il sera fait ici, en Amérique », a-t-il lancé, s’enthousiasmant pour le Hummer électrique du constructeur américain.
Il pourrait cependant se heurter à la vive opposition des partenaires commerciaux canadiens et mexicains des Etats-Unis qui arguent que cette proposition de crédit d’impôt s’apparente à une mesure protectionniste inacceptable et illégale au regard de l’accord de libre-échange qui lie les trois pays. « Nous n’avons pas la même perception » de l’aspect juridique, a réagi jeudi Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche, notant que ce ne serait pas la première fois qu’un pays met en place des incitations financières et des crédits d’impôts pour l’automobile.
Risque de préjudice économique
Les responsables canadiens et mexicains observent, eux, que les investissements dans le secteur automobile du Canada et du Mexique pourraient se réduire à l’avenir à peau de chagrin au profit des États-Unis.
Selon eux, cela nuira également aux fournisseurs américains d’usines canadiennes ou mexicaines et perturbera sérieusement les chaînes d’approvisionnement aujourd’hui parfaitement chorégraphiées entre les trois pays. La ministre canadienne du Commerce, Mary Ng, avait averti dès le 22 octobre, dans une lettre adressée au Congrès et à la représentante américaine au Commerce Katherine Tai, que cette mesure pourrait saper le fonctionnement actuel de l’industrie automobile nord-américaine.
« S’ils étaient adoptés, ces crédits d’impôts auraient un impact négatif majeur sur l’avenir de la production de véhicules électriques et automobiles au Canada, entraînant un risque de préjudice économique grave et des dizaines de milliers de pertes d’emplois dans l’un des plus grands secteurs manufacturiers du Canada », avait-elle déploré. Selon elle, « les entreprises et les travailleurs américains ne seraient pas épargnés par ces impacts ». Ottawa juge aussi ces dispositions incompatibles avec les obligations des États-Unis en vertu de l’accord commercial AEUMC et des règles de l’Organisation mondiale du commerce.
Enjeu de taille pour le Canada
L’ambassadeur du Mexique aux Etats-Unis, Esteban Moctezuma Barragan, aux côtés d’une vingtaine d’autres ambassadeurs, avait lui argué dans une lettre au Congrès américain que le crédit d’impôt « entrerait en conflit avec l’objectif du déploiement rapide de nouvelles technologies durables » car il ne s’appliquerait qu’à deux véhicules américains sur plus de 50 véhicules électriques actuellement disponibles. « Je suis consciente des préoccupations que nos partenaires commerciaux ont soulevées, et nous nous soucions de ces préoccupations », avait assuré la semaine dernière Katherine Tai à des journalistes.
Mais elle avait aussi souligné qu’elle partageait l’ambition de Joe Biden de « placer les États-Unis dans les meilleures conditions pour être compétitifs afin de réaliser ses objectifs et relever les défis industriels » à venir. « Toutes les relations diplomatiques ont des domaines où il y a des sujets difficiles à discuter (…) C’est le but de ces rencontres en personne », a commenté Jen Psaki, jeudi. Pour le Canada, l’enjeu est de taille étant donné l’importance du secteur qui représente 135.000 emplois directs et plus de 500.000 indirects.
Source – https://www.capital.fr/